AMÉRIQUE/HAÏTI - Le "cri" des évêques sur l'extrême gravité de la situation : "Faites taire les armes !"

mardi, 20 décembre 2022 situation sociale   politique   groupes armés   violence   conférences épiscopales  

interris

Port au Prince (Agence Fides) - " Au nom de Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, venu nous apporter la vraie paix, nous lançons un cri du cœur de pasteurs à nos frères et sœurs haïtiens, d'ici et d'ailleurs, et à la communauté internationale, sur l'extrême gravité de la situation " : C'est l'appel du cœur des évêques d'Haïti dans leur message de Noël, qui s'ouvre sur une citation du prophète Isaïe : "Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays des ténèbres, une lumière a brillé" (Is 9,1). "Cette prophétie, expliquent-ils, adressée au peuple d'Israël en exil et au désespoir, trouve un écho dans la situation quotidienne en Haïti. En tant que peuple, nous vivons un exode permanent à la recherche d'une vie meilleure, à l'intérieur et à l'extérieur du pays".
Les évêques appellent les groupes armés illégitimes et ceux qui les financent à "arrêter la folie meurtrière de la haine, du mépris de la vie" et donc à "faire taire vos armes !". Citant le Pape François, ils invoquent : " Au lieu de la guerre fratricide, nous devons investir dans la paix et l'amour, dans la réorganisation de nos infrastructures, de nos systèmes de santé et d'éducation, ainsi que dans le changement de nos mentalités ". Ils notent qu'il est temps de reconstruire les institutions, notamment la Justice, " pour enrayer la culture de l'impunité qui est la cause logique de la perpétuation de la corruption et de la violence dans le pays " afin d'assurer, dans l'esprit d'appartenance à cette terre d'Haïti, un avenir meilleur.
Se joignant à d'autres secteurs de la société, les évêques considèrent qu'il est "nécessaire et urgent" de soutenir efficacement la police nationale, en lui fournissant des équipements appropriés et un traitement adéquat, "pour aider à combattre le fléau de la criminalité et créer un climat favorable à la normalisation de la vie dans le pays". Un climat de sécurité est l'une des conditions nécessaires à la reprise des activités économiques, culturelles et sociales et à l'organisation d'élections démocratiques et transparentes.
Le message des évêques d'Haïti aborde ensuite un autre point sensible : l'émigration de tant de personnes qui, contraintes par les conditions insupportables du pays, sont amenées à chercher refuge " en toute hâte et par tous les moyens ", dans des territoires où elles ne sont pas toujours les bienvenues. En particulier, dans la République dominicaine voisine, "ils sont soumis à un traitement inqualifiable qui bafoue les principes et les impératifs des droits de l'homme, du droit humanitaire international, du droit des réfugiés et, en particulier, du protocole de l'accord de 1999". Les évêques haïtiens informent qu'ils sont en dialogue avec la Conférence épiscopale dominicaine sur cette question, et demandent aux autorités de l'État de "corriger la situation et d'améliorer les conditions d'existence et de bien-être du peuple haïtien, afin de l'encourager à rester chez lui". Ils appellent également à un geste d'apaisement pour apaiser les tensions dans les relations migratoires entre les deux pays, qui ont vocation à partager des frontières communes et à vivre ensemble.
" Le temps de Noël nous invite à mettre en pratique les valeurs de respect mutuel, de justice, d'harmonie, de fraternité, de solidarité sur lesquelles construire et fonder cette nouvelle Haïti tant désirée par tous ", ont conclu les évêques, avec l'espoir que " la lumière de la Vérité brillera sur Haïti et dans nos cœurs afin que nous puissions retrouver l'espérance et vivre un Joyeux Noël 2022 et une Bonne Année 2023 dans la justice et la paix, l'amour et le respect de la vie ".
Le pays caribéen est en difficulté depuis des années, en proie à une crise multiforme qui conduit au chaos institutionnel, économique et social. Malgré les appels lancés par les évêques et le Pape aux responsables politiques locaux et à la communauté internationale, la situation s'est également aggravée à la suite de catastrophes naturelles (voir Fides 28/10/2021 ; 11/12/2021). Décrivant la catastrophe humanitaire en cours, le père Antonio Menegon, missionnaire camillien en Haïti, note qu'"une violence sans précédent a investi le pays, générant insécurité, peur, famine, faim et désespoir, l'urgence du choléra est également revenue, tuant principalement des enfants" (voir Fides 2/12/2022).
Les missionnaires, enlevés ou tués pour vol, sont également victimes de la violence des bandes armées qui règnent en toute impunité. La dernière en date est la missionnaire italienne Sœur Luisa Dell'Orto, Petite Sœur de l'Évangile de Charles de Foucauld, qui a été tuée le 25 juin à Port-au-Prince. Elle y avait vécu pendant vingt ans, se consacrant surtout aux enfants des rues, dans une banlieue très pauvre de la capitale, qu'elle accueillait et soignait en leur offrant un lieu sûr (voir Fides 26/6/2022).
(SL) (Agence Fides 20/12/2022)


Partager: