AFRIQUE/EGYPTE - Le monastère Sainte-Catherine dans le Sinaï devient propriété de l'État égyptien. Les réactions et les inquiétudes s'amplifient

vendredi, 30 mai 2025

par Nikos Tzoitis

Après 15 siècles, l'un des monastères chrétiens les plus importants et les plus anciens du monde, le monastère Sainte-Catherine sur le mont Sinaï, perd son autonomie administrative et devient propriété de l'État égyptien, à la suite d'un jugement rendu par le tribunal d'Ismaïlia. Cette décision soulève de graves inquiétudes pour le présent et l'avenir du monastère et de la communauté qui y vit.

Le monastère du mont Sinaï a été fondé au VIe siècle après J.-C. par Justinien et a survécu aux guerres, aux conquêtes et aux persécutions grâce notamment à son statut de « Wakf », lieu sacré à préserver selon la tradition coranique. À ce titre, il était également respecté par les Bédouins du désert du Sinaï. L'Unesco l'avait classé parmi les monuments reconnus comme patrimoine mondial de l'humanité. Les trésors inestimables du monastère - icônes, manuscrits, reliques, bibliothèques et propriétés - étaient gérés par les vingt moines de la communauté monastique locale, qui jouissaient d'une large autonomie au sein du patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem.
Selon le jugement rendu par le tribunal d'Ismaïlia mercredi 28 mai, les biens du monastère sont en fait confisqués et passent sous la gestion de l'État égyptien, tandis que les moines se voient imposer des restrictions d'accès à certains bâtiments. Leur séjour dans le monastère n'est autorisé qu'à des fins cultuelles et aux conditions fixées par le nouveau propriétaire public.
Le site orthodoxia.info a qualifié l'application de ce jugement de « l'une des plus graves violations des libertés religieuses et individuelles de ces derniers siècles », perpétrée dans une période troublée pour le Moyen-Orient.
Cette décision, qui prive de facto le monastère de son autonomie, intervient après une longue période de controverses juridiques et d'actions en justice engagées contre l'autonomie de gestion dont jouissait le monastère.
Certains responsables égyptiens justifient cette mesure comme un acte de protection du patrimoine culturel du monastère.
L'archéologue Abdel Rahim Rihan a affirmé à ce sujet que les biens immobiliers du monastère sont soumis aux lois sur les biens culturels et que la décision mise en œuvre après le jugement du tribunal garantit leur valorisation au profit du « patrimoine mondial et des moines ». Les moines, quant à eux, parlent d'une expulsion de facto de leur propre monastère.
Cette décision met fin de manière controversée à l'offensive juridique menée depuis plusieurs années contre les moines de Sainte-Catherine par l'État égyptien qui, par intermittence, depuis l'époque du gouvernement contrôlé par les Frères musulmans, cherche à placer le monastère sous son contrôle.

Selon certains analystes, cette mesure montre que le président Abdel Fattah Sissi lui-même ne serait pas en mesure de contrôler les appareils qui font partie de « l'État profond », dont certains sont également liés à des groupes salafistes.

Le Caire doit désormais gérer une crise avec la Grèce, qui a réagi vivement à la décision du gouvernement concernant le monastère, à un moment où l'Égypte est au cœur de développements tumultueux en Palestine qui touchent également la péninsule du Sinaï. C'est dans cette région où des franges de djihadistes organisés opèrent, et qui avaient déjà menacé le monastère en perpétrant des attaques commises par des commandos armés dans le passé. La mesure mise en œuvre affaiblit également le monastère dans les nombreux litiges civils qui l'opposaient à diverses parties pour des cas d'usucapion.

La réaction des moines a été vive. Une campagne internationale de sensibilisation et d'information destinée aux Églises et autres communautés religieuses est déjà prévue, dans le but d'obtenir l'annulation de cette décision.
La réaction de l'archevêque grec orthodoxe d'Athènes, Ieronymos, a également été immédiate. « Je ne veux pas et je ne peux pas croire », a déclaré Ieronymos, « qu'aujourd'hui, l'hellénisme et l'orthodoxie vivent une nouvelle « conquête » historique ». « Ce phare spirituel de l'orthodoxie et de l'hellénisme », a-t-il ajouté, « est aujourd'hui confronté à une question de survie ». (Agence Fides 30/5/2025)


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