EUROPA/ITALIE - « Là où il y a dialogue, il n'y a pas de violence » : le père Luigi Buccarello confirmé Supérieur Général des Trinitaires

samedi, 28 juin 2025

par Antonella Prenna

Rome (Agence Fides) – «Nous travaillons dans des contextes problématiques, difficiles, complexes, où règne la persécution. Là où il y a violence et persécution, il n'y a pas de dialogue, il n'y a pas de respect de l'autre. C'est précisément pour cette raison que, afin de soutenir notre mission spécifique d'aide aux chrétiens persécutés, nous concentrons également notre action sur le dialogue interreligieux, sur la liberté religieuse en tant que thème d'approfondissement et de sensibilisation, non seulement au niveau social, mais aussi au niveau théologique. »

C'est ce qu'a déclaré le père Luigi Buccarello à l'Agence Fides, dans un entretien recueilli à l'issue du Chapitre général de l'Ordre de la Sainte Trinité et des Esclaves, O.SS.T. (voir Fides 7/11/2023), qui l'a reconduit dans ses fonctions de Supérieur général pour un nouveau mandat. À ses côtés se trouvait également le père Antonio Aurelio Fernández Serrano, président de l'organisme Solidarité Internationale Trinitaire (SIT), qui coordonne et anime toutes les activités d'aide aux chrétiens persécutés.

Dans le sillage de Dignitatis Humanae

« Conformément aux lignes directrices de Dignitatis Humanae, le document du Concile Vatican II sur la liberté religieuse, et au magistère ultérieur des Papes - poursuit le père Buccarello - nous avons entamé depuis deux ans une collaboration avec le Centre d'études interreligieuses de l'Université Grégorienne, avec lequel nous avons organisé un cours semestriel intitulé « Liberté religieuse : problèmes, défis et perspectives », qui a débuté cette année. Parallèlement à ce cours, destiné aux étudiants en théologie et à ceux qui s'intéressent à ce sujet, nous mettons en place un groupe de recherche théologique qui durera deux ans et réunira 15 spécialistes représentant différents domaines de la recherche. En effet, le thème de la liberté religieuse doit être abordé de manière interdisciplinaire et transdisciplinaire ; il intéresse particulièrement la géopolitique, l'histoire, la sociologie, la théologie, le droit canonique, le droit civil et l'étude des religions. À l'issue de ces deux années de recherche, une publication sera réalisée.

L'absence de liberté religieuse, explique le prêtre, « est un défi pour toutes les religions. Chaque jour, nous entendons parler d'attentats au Nigeria, au Yémen, en Syrie. La Syrie avait trop acclamé et célébré le changement de régime, mais nous constatons que nous sommes revenus à la case départ ». « Nous, père Antonio, sommes toujours en contact avec ces endroits et, en touchant du doigt ces réalités, nous nous rendons compte que la liberté religieuse est la seule garantie de paix et de coexistence. Notre service n'est pas un service d'assistance, mais nous voulons aller à la racine du problème, pour lutter contre les causes profondes qui alimentent l'intolérance religieuse ».

« Le Chapitre général – poursuit le Supérieur général Buccarello – a beaucoup insisté sur la formation spécifique de nos étudiants à ces thèmes. Travailler dans le domaine du dialogue interreligieux signifie ouvrir une voie vers la paix. La liberté religieuse est une voie vers la paix. L'un des thèmes forts du magistère postconciliaire est précisément de considérer la liberté religieuse comme une condition de la paix, car là où il y a respect de la liberté, il y a évidemment paix, accueil de l'autre, valorisation de la diversité religieuse. Les fondamentalistes recourent à la violence parce qu'ils ne tolèrent pas la diversité religieuse. Ils voudraient également l'uniformité au sein de leur propre tradition religieuse, ils voient la religion comme un bloc monolithique et se considèrent comme les détenteurs du message religieux authentique. Lorsque cette acceptation de la diversité fait défaut et que la différence est perçue comme une menace et non comme une ressource, la paix est en danger. Mais c'est notre foi qui est en danger, car elle nous conduit toujours à la rencontre de l'autre ».

Une longue histoire

La mission actuelle de la Famille Trinitaire coïncide avec une actualisation de son charisme fondateur. « L'Ordre Trinitaire », explique le père Buccarello, « est né pour les chrétiens persécutés, évidemment à une autre époque et dans un autre contexte historique. Dans notre devise « Gloria tibi Trinitas et captivis libertas », il y a les mots « esclaves » et « captifs ». Notre fondateur, saint Jean de Matha, a commencé les « missions de rédemption », les premières depuis l'Espagne vers le Maroc, avec une lettre d'Innocent III qui recommandait les Trinitaires au sultan du Maroc en disant que l'œuvre de libération des esclaves était une œuvre de charité, la plus importante, la plus significative, et qu'elle était d'utilité commune. En effet, le pape avait donné aux Trinitaires la permission de libérer les esclaves chrétiens, y compris par échange avec des esclaves musulmans, opérant ainsi une double libération, celle des esclaves chrétiens et celle des esclaves musulmans.

Saint Jean de Matha était un maître théologien et n'avait aucune intention de fonder une nouvelle famille religieuse. Lors de sa première messe, il eut une vision : le Christ au centre, tenant les bras de deux esclaves, l'un blanc et chrétien, l'autre noir et musulman. Après une période de discernement, il comprit qu'il devait fonder une famille religieuse dédiée à cette mission spécifique, le rachat des captifs pro fide Christi.

« Aujourd'hui, ajoute le père Buccarello, nous nous rendons compte que cette inspiration de notre fondateur est très actuelle. Les deux « poumons » de notre mission sont les œuvres de miséricorde et les chrétiens persécutés. Et cette dernière est l'œuvre qui nous identifie et nous unit le plus. Pour actualiser ce charisme, en 1999, alors que l'on célébrait le VIIIe centenaire de l'approbation de la Règle et le IVe centenaire de la réforme de l'Ordre, le Chapitre général extraordinaire a approuvé la création d'un organisme chargé de coordonner et d'animer ce domaine de l'aide aux chrétiens persécutés, appelé Solidarité Internationale Trinitaire (SIT) ».

Le président du SIT, le père Antonio Aurelio Fernández Serrano, est intervenu dans la conversation pour expliquer qu'« il s'agit d'un organisme interne à la famille trinitaire dont nous venons de célébrer le 25e anniversaire. À cette occasion, nous avons réalisé un documentaire pour faire connaître le problème des chrétiens persécutés. Nos projets, explique-t-il, sont présents dans des pays comme le Soudan et le Soudan du Sud, où nous avons libéré plusieurs jeunes ».
Le père Buccarello ajoute des détails sur une rencontre du SIT qui a également eu lieu à Bahreïn, où, avec le vicaire apostolique d'Arabie du Nord, Mgr Aldo Berardi, O.SS.T., un moment d'échange a également été organisé avec Abdullah Al Mannai, directeur exécutif du Global Center for Peaceful Coexistence (voir Fides 23/10/2024). « Abdullah est venu à notre Chapitre pour apporter son témoignage », a raconté le Supérieur général. Il s'est également rendu au Parlement italien où, lors d'une rencontre à la Chambre des députés, il a présenté l'Ordre Trinitaire comme un exemple de dialogue, d'attention, de charité et de respect.

Les urgences du moment présent

Les Pères Trinitaires sont présents dans la paroisse romaine de Santa Maria delle Fornaci, dont le titre cardinalice a été attribué au cardinal Mario Zenari, Nonce apostolique en Syrie. « Le cardinal », raconte le père Buccarello, « nous a beaucoup parlé de la situation en Syrie, de la persécution mais aussi de la pauvreté, des nombreux chrétiens qui ont quitté le pays ces dernières années. Si les chrétiens disparaissent du Moyen-Orient, c'est un équilibre qui crée l'harmonie entre les différentes cultures et confessions qui disparaît. La coexistence pacifique est davantage menacée lorsqu'une composante historique du paysage religieux d'une région disparaît ».

L'Ordre des Trinitaires est présent dans vingt-cinq pays, dont le Vietnam, la Corée du Sud et l'Inde, pays où, selon le père Buccarello, les cas de violence et d'intimidation à l'encontre des chrétiens augmentent d'année en année, comme c'est le cas dans de nombreuses régions d'Afrique où opèrent « des groupes terroristes et des mouvements qui mettent en œuvre des stratégies de prosélytisme agressif ».

Selon le Supérieur Général, la contribution spécifique que l'Ordre des Trinitaires peut apporter pour l'avenir est de « former des religieux experts en dialogue interreligieux. Nous devons tous être sensibilisés, même en Occident, où nous ne savons souvent pas gérer la diversité religieuse, où il n'y a pas de véritable rencontre entre les personnes. Chacun a son espace, il n'y a pas de véritable intégration ». Même dans de nombreuses écoles du nord de l'Italie, note-t-il, la plupart des élèves ne sont pas catholiques, ni même chrétiens. « Quels outils donnons-nous aux jeunes pour interagir et accueillir l'autre ? Il existe également d'autres situations que nous ne connaissons pas. Par exemple, nos sœurs Trinitaires de Valence ont une école dans la banlieue de Marseille. 80 % des élèves sont musulmans et choisissent l'école catholique plutôt que l'école publique parce qu'ils préfèrent une approche religieuse à une approche athée et matérialiste. En Inde, dans notre école du nord de l'Assam, seuls 5 % des élèves sont catholiques, les autres sont hindous et musulmans. Pourtant, ils cohabitent sans problème, au contraire, la diversité religieuse est une ressource pour grandir dans le respect de l'autre, pour promouvoir la valeur du vivre ensemble et de la paix ».
La devise du Chapitre général était une citation tirée de la deuxième lettre de saint Paul aux Corinthiens : « Persécutés, mais non abandonnés. Abattus, mais non détruits ». « L'un des critères qui a été bien souligné », souligne le Supérieur général, « est que la liberté religieuse n'est pas un thème théorique, mais qu'elle concerne la vie et la souffrance de nombreuses personnes et qu'elle doit être analysée dans son contexte. Chaque réalité, dans sa complexité et ses problématiques, pose des défis différents à la liberté religieuse. Au Canada, par exemple, un religieux ne peut pas se rendre à l'hôpital en habit religieux. Dans le monde occidental, on assiste à la résurgence d'un laïcisme et d'un sécularisme agressif qui tendent à réduire la religion à la sphère privée ; on assiste également à la résurgence de mouvements politiques et culturels identitaires qui instrumentalisent la religion. Les mouvements identitaires veulent marquer une sorte de différence et d'opposition entre « nous et vous », en alimentant des discours qui jouent sur la peur des gens, comme lorsque les migrations sont présentées comme une sorte d'invasion ennemie venue détruire notre identité. Nous tous, à commencer par les responsables religieux, devons clamer haut et fort qu'on ne peut associer le nom de Dieu à la guerre et à la violence. Cela doit être dit avec force. Et pourtant, même ces jours-ci, nous entendons des déclarations de dirigeants politiques qui veulent justifier la guerre comme une sorte de mandat divin ».
(Agence Fides 28/6/2025)


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