Adigrat (Agence Fides) - " Notre ordre mondial semble avoir besoin d'une sérieuse transformation, sinon les conséquences continueront à affecter de plus en plus les personnes les plus fragiles qui seront les premières à perdre ", écrit à l'Agence Fides l'évêque de l'éparchie catholique d'Adigrat, Tesfaselassie Medhin. "Il est vraiment triste d'assister aux scénarios de guerre qui s'aggravent de plus en plus dans le monde entier", poursuit-il. Maintenant que les projecteurs sont surtout braqués sur la crise au Moyen-Orient, nous ne voulons pas que le Tigré reste oublié alors que des personnes meurent au cours d'une guerre qui dure depuis presque trois ans dans la région nord de l'Éthiopie (voir Fides 3/12/2020)."
Malgré l'accord de paix signé à Pretoria, en Afrique du Sud, en novembre 2022 (voir Fides 03/11/2022), la combinaison de causes multiples a conduit à une terrible situation de crise humanitaire. Les blocages continus à l'accessibilité et à l'aide humanitaire, l'occupation du Tigré par des forces étrangères provoquant toutes sortes de violences, les déplacements, la stagnation des solutions politiques, l'impact de la sécheresse croissante causée par le changement climatique, le faible accès aux ressources telles que l'eau et les systèmes d'irrigation, sont quelques-unes des situations précaires que l'éparque a mises en évidence.
"Notre population mène une vie extrêmement difficile dans le Tigré. Plus d'un million de personnes (personnes âgées, femmes, enfants) vivent dans des situations désastreuses depuis le début de la guerre en 2020, dans des tentes et des écoles de fortune", a dénoncé M. Medhin. Plus d'un million de personnes sont mortes. Rien qu'au cours des deux dernières semaines, toutes les familles ont été profondément endeuillées par la perte de membres de leur famille qui ont quitté leur foyer en tant qu'infirmières, étudiants, enseignants, médecins, ingénieurs, pour aller travailler afin de sauver des vies".
Le conflit a eu un impact dévastateur sur les infrastructures agricoles, notamment les systèmes d'irrigation, les fermes et le bétail. "Cela a perturbé des pratiques agricoles déjà précaires, entraînant une baisse de la production agricole et exacerbant l'insécurité alimentaire et la malnutrition", insiste l'évêque d'Adigrat. "Des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir leurs maisons et d'abandonner leurs fermes, laissant des terres incultes aggravées par les conditions de sécheresse. De nombreux agriculteurs ont été déplacés de leurs terres, ce qui les empêche de poursuivre leurs activités agricoles. Les infrastructures hydrauliques telles que les puits, les réservoirs et les systèmes d'irrigation ont été endommagés ou détruits pendant le conflit, ce qui a perturbé l'approvisionnement en eau pour les pratiques agricoles et la consommation humaine. La destruction des forêts et de la végétation aggrave la situation de sécheresse en réduisant la rétention d'eau et la recharge des nappes phréatiques. Notre bureau de coordination diocésain, avec ses partenaires internationaux, tente de réparer les systèmes et les sources d'eau et de distribuer de l'eau par le biais de véhicules.
"Il est terrible que ce soit la population pauvre, écrasée par la guerre et privée d'aide alimentaire, qui souffre. Les conséquences de ce conflit armé ont exacerbé les conditions déjà précaires de la sécheresse, entraînant une augmentation de l'insécurité alimentaire, de la malnutrition, du manque de médicaments et des pénuries d'eau. Il est essentiel de s'attaquer à la fois au conflit et à la sécheresse pour sauver des vies, reconstruire la région, relancer l'agriculture et assurer le bien-être des populations touchées".
Mgr Medhin conclut en disant que si certaines mesures ne sont pas mises en œuvre immédiatement, la paix reste menacée. L'éparque demande instamment que l'accord de paix de Pretoria soit pleinement mis en œuvre, en particulier que les forces d'occupation quittent le Tigré, que les routes soient accessibles à tous les quartiers bloqués, que plus d'un million de personnes déplacées rentrent chez elles et dans leurs quartiers, et que l'aide alimentaire humanitaire soit rétablie.
La communauté internationale doit sortir de son silence", conclut-il, "des milliers de personnes continuent de mourir". La violence et les affrontements sévissent également dans d'autres régions d'Éthiopie, et les personnes qui souffrent ont partout besoin de paix, de nourriture, de services de base et de justice".
(MT/AP) (Agence Fides 23/10/2023)