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Niamey (Agence Fides) - Quelques jours avant le massacre des fidèles de l'église catholique dans la petite ville d'Owo, au Nigeria (voir Fides 6/6/2022), le Conseil norvégien pour les réfugiés (NCR) a publié sa liste annuelle des 10 crises oubliées dans le monde. Pour la première fois depuis la publication du rapport, les dix crises se situent toutes en Afrique. La République démocratique du Congo est en tête, suivie du Burkina Faso, du Cameroun, du Sud-Soudan, du Tchad, du Mali, du Soudan, du Nigeria, du Burundi et de l'Éthiopie.
Le père Mauro Armanino, prêtre de la Société des missions africaines, raconte : "Les fidèles venaient de célébrer la fête de la Pentecôte et avaient entendu le passage décrivant la descente de l'esprit sous forme de langues de feu sur les personnes présentes. Du feu de l'Esprit au feu des armes, l'étape a été courte, dramatiquement courte. Un feu et les autres feux, l'un de vie et les autres de mort. Des dizaines de personnes consumées par les incendies, ni les premières ni les dernières au Nigeria qui, depuis des années, glisse dans les abysses de la violence armée, de la corruption et de la complicité supposée et possible de certains hommes politiques."
Dans la note envoyée à l'Agence Fides, le missionnaire, qui travaille à Niamey, au Niger, souligne que "faire une liste des attaques armées au Nigeria serait pédant et la litanie des morts, malheureusement à mettre à jour quotidiennement, est indéfinie. En 2020 déjà, une ONG locale avait dressé une liste des chrétiens tués au cours des six premiers mois de l'année : 1202, par des Peuls (bergers traditionnels) et des militants de Boko Haram/Iswap (État islamique dans la province d'Afrique de l'Ouest). Ces attaques ont eu lieu principalement dans le sud de Kaduna. L'ONG en question note que ces attaques sont répétées avec la complicité du gouvernement nigérian."
Le père Armanino explique que si les chrétiens ne sont pas les seules victimes de cette guerre, ils en représentent une part considérable. "Par exemple, le mois dernier, des maisons ont été brûlées et des magasins pillés dans le nord du pays sur la base d'accusations de blasphème. Il y a eu des dizaines de décès dans l'État de Benue de paroissiens qui ont quitté l'église et, on s'en souvient, la lapidation d'une écolière à Sokoto pour cause de blasphème. Plus tard, l'église de Sokoto a été incendiée et, les jours suivants, l'évêque a été menacé de mort."
Pour essayer de comprendre les faits, il est nécessaire de les replacer dans le contexte historique, économique et politique du pays", souligne père Armanino. La division créée et réelle entre le Nord et le Sud, le choix de la loi islamique (Charia) accordée à différents Etats du Nord, et surtout la grande corruption des militaires qui, manœuvrés par les politiciens, se mettent à la solde de ceux qui les paient. L'impunité règne et les mots de condamnation du dernier 'feu' du président M. Buhari sonnent de manière prévisible et finalement creuse." "Du feu de la Pentecôte, conclut-il, aux feux des armes, la distance était minime, quelques mètres seulement, mais il y a un abîme entre les deux, que seule la croix de résurrection peut aider à franchir. Le temps des martyrs africains n'est pas encore terminé."
(MA/AP) (Agence Fides 8/6/2022)