DOSSIER FIDES - LA QUESTION DES ARMES IN AFRIQUE -

samedi, 24 juillet 2004

LE CADRE DE REFERENCE GEOPOLITIQUE - LA PRODUCTION MILITAIRE EN AFRIQUE - L’HERITAGE DE MORT DES CONFLITS TERMINES - UN DESARMEMENT POSSIBLE

Le drame du Darfour repose la question de la diffusion des armes en Afrique. Pour cette raison, nous avons décidé d’anticiper la partie relative à l’Afrique d’un dossier consacré aux trafic des armements dans le monde.
Au Darfour, comme dans tant d’autres guerres africaines, ce sont les armes légères qui sont les véritables armes de destruction de masse. Dans cette très pauvre région du Soudan occidental, des hommes sévissent armés de kalachnikovs, en tuant la population et en brûlant leurs pauvres habitations. Ce sont les fameuses milices pro-gouvernementales Janjaweed, dont la brutalité a amené le Congrès des Etats-Unis à approuver une résolution qui déclare que, au Darfour, un génocide est en cours. Du ciel, l’aviation de Khartoum leur ouvre la route par des bombardements sans discriminations, à bases de bombes à fragmentation et de bombes au napalm..
La communauté internationale discute de l’approbation d’un embargo international des armes vis-à-vis des Janjaweed, mais, étrangement, pas vis-à-vis du gouvernement soudanais, qui arme et qui dirige ces milices. Probablement parce des membres du Conseil de Sécurité des Nations-Unies ont conclu, ou sont sur le point de le faire, des contrats lucratifs d’armement avec le Soudan ? Ne serait-il pas vrai que des pays s’apprêtent à vendre des dizaines d’avions de combats, des centaines de chars et de véhicules blindés à l’armée soudanaise ?
L’Afrique continue à être un marché, même s’il est pauvre et apparemment marginal, du marché global des armes. Comme l’écrit le Dossier de l’Agence Fides, sans le continent les vieilles armes se recyclent souvent, de celles provenant des arsenaux en cours de renouvellement, des armées occidentales et de l’Europe de l’Est, a celles des anciens combattants des conflits africains qui se sont terminés récemment. Et pourtant, il y a aussi ceux qui ne reculent pas devant le fait de placer sur le marché africain des systèmes de production nouvelle.
Les victimes de ce commerce sont les civils, et en particulier les femmes et les enfants. Parmi elles, il y a aussi des missionnaires; des religieux et des laïcs. Fidèles à l’Evangile, les missionnaires restent aux côtés des plus pauvres, dans les moments surtout les plus dramatiques, représentant souvent le seul point de référence et de réconfort pour des personnes privées de tout, y compris de l’espérance. C’est pour cela précisément que les missionnaires sont une cible privilégiée quand on veut anéantir une population. Ces artisans de paix, ces femmes et ces hommes armés de leur seule foi, continuent, depuis l’Afrique oubliée, à dénoncer les maux du trafic des armes.
Les raisons de ce dossier sont représentées dans le dernier paragraphe : « Un désarmement possible ». L’Afrique est un continent où la paix pourrait devenir une réalité.

Le cadre de référence géopolitique

La fin de la guerre froide n’a pas vu la fin des conflits dans le monde. Aux guerres idéologiques, alimentées par l’affrontement entre les deux blocs, se sont substituées les guerres ethniques, et celles pour le contrôle de ressources vitales.
En Afrique, les alliances et la guerre froide n’avaient pas amené à la constitution d’organisations multilatérales comme l’OTAN. Les appareils militaires africains, ont donc été constitués et alimentés sur une base bilatérale, faite en premier lieu des anciennes puissances colonisatrices, et de manière subordonnée, par les USA et l’URSS. La relance de l’affrontement entre les deux blocs à partir des années 1970 a vu attribuer à l’Afrique sub-saharienne un rôle central. Les deux super puissances augmentèrent donc leur engagement dans les affaires africaines, directement, ou, le plus souvent, par des alliés (Cuba pour l’URSS, l’Afrique du Sud, le Maroc et Israël pour les USA). L’ancienne puissance colonisatrice plus présente dans le continent était la France qui, malgré le contexte de la politique occidentale qui voulait contenir l’Union Soviétique, poursuivait des objectifs autonomes de type néo-colonial. La politique française s’appuyait sur une présence militaire directe, avec des bases et des troupes installées au Sénégal, à Djibouti, au Tchad, au Gabon et en République Centrafricaine. Une des conséquences de ce scénario est l’arsenal imposant que les deux blocs ont envoyé en Afrique, et qui sont restés sur place. Un arsenal constitué surtout d’armes légères, qui a servi à alimenter ls nouvelles guerres et une situation de criminalité diffuse.
Après la guerre froide, les facteurs qui déterminent les conflits africains sont les suivants: l’état d’incertitude dans les processus de transition, même au sein de pays qui aspirent à une direction régionale, comme le Nigéria, l’Afrique du Sud, la République Démocratique du Congo, l’Angola et l’Ethiopie ; le manque d’une stratégie précise de la part des organisations continentales et sub-régionales. En outre, la réduction des ressources à la disposition des Etats Africains engendre des phénomènes d’érosion du consensus, obtenu souvent par des procédures de redistribution sur la base du clientélisme. Les conflits, au-delà des raisons de personnes, des questions ethniques ou de rivalité politique, ont comme objet l’occupation de l’Etat, et donc le contrôle des revenus et des aides financières étrangères.
Dans ce contexte, les Etats-Unis et les institutions financières internationales ont appuyé les processus de changement à la tête survenus dans les années 1990. Les nouveaux chefs, bien disposés envers le « marché » et les processus de globalisation, ont remplacé la vieille garde: des personnages comme Mobutu, utiles au temps de la guerre froide, mais considérés comme représentant un obstacle à l’ordre nouveau. L’ascension de ces nouveaux dirigeants s’est faite manu militari (Ouganda, Rwanda, Ethiopie, Erythrée, Congo), et ses principaux représentants proviennent des rangs de l’armée. La nouvelle stratégie convergente, américaine et française et en même temps concurrentielle, est de s'appuyer sur cette nouvelle classe dirigeante pour le contrôle de la région.
Au plan militaire, la rivalité franco-américaine a ouvert la voie à l’organisation, par des voies séparées, de forces armées et d’intervention, adaptées à la géopolitique africaine. Dans la deuxième moitié des années 1990, les Etats-Unis ont parrainé « l’African Crisis Response Iniziative” (ACRI) avec comme objectif la création d’une force interafricaine de 10.000 hommes. Le but de l’ACRI est le maintien de la paix sous l’égide de l’Union Africaine, mais l’armement et l’entraînement seront fournis par des Pays européens. Malgré la méfiance de l’Afrique du Sud, du Kénya et de l’Egypte, le programme a fait des progrès. L’Ouganda et l’Ethiopie se sont déclarés disponibles pour participer, et deux pays de la région francophone (Mali, Sénégal), plus un anglophile de l’Afrique occidentale (Mali) ont exprimé leur intérêt à l’initiative des Etats-Unis. Les pays clefs autour desquels se développe la stratégie de Washington sont l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Kénya, et, une fois obtenue la paix avec l’Erythrée, l’Ethiopie, alors que, en Afrique du Nord on regarde avec un grand intérêt à l’Algérie. Après les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis regardent avec une préoccupation toujours plus grande à l’enracinement d’organisations extrémistes islamiques en Afrique. Pour cette raison, Washington a décidé de promouvoir de nouvelles initiatives pour renforcer la capacité anti-terroriste de plusieurs armées africaines. La “Pan Sahel Iniziative” vise en particulier à renforcer la collaboration des militaires américains avec une série de pays de la région du Sahel (Mali, Mauritanie, Algérie, Tchad, Niger, Sénégal).
La France préfère parler de Capacité africaine de réagir à la crise (CARC) ou de Renforcement de la capacité africaine de la paix (RECAMP). Les plans de Paris se fient de manière plus gande que ceux de Washington, sur l’intervention de l’ONU, de l’Union Africaine et d’organisations régionales. La force africaine parrainée par la France ne devrait pas être autoréférentielle comme celle voulue par Washington. Et, au lieu d’une force unique, comme la force américaine, les plans français s’orientent vers la formation de centres sub-régionaux complémentaires, avec l’installation de manœuvres communes et l’installation de matériel - qui seraient appelés à collaborer en cas d’urgence. La stratégie française s’appuie sur un dispositif militaire réduit pas rapport à un temps passé, et se répartit ainsi : Djibouti (3.300 hommes), Sénégal (1.300 hommes), Tchad (850 hommes), Côte-d’Ivoire (4.000 hommes), et Gabon (600 hommes).
La rivalité entre Paris et Washington contribue ainsi à l’augmentation du commerce des armes en Afrique. Si, d’une part, les deux puissances ont intérêt à circonscrire les régions d’instabilité pour ne pas mettre en ranger leurs positions, d’autre part, elles sont tentées d’acquérir de nouveaux clients par la distribution d’armes et d’assistance militaire à des gouvernements, à des appareils parallèles et à des groupes rebelles.
Les données de l’Annuaire de 2000 de l’Institut international de Stockholm (Sipri Yearbook 2000), confirment cette tendance. D’après le “Sipri”, les dépenses militaires africaines sont en augmentation depuis 1997. En 1999, les dépenses militaires ont augmenté de 22% par rapport à 1996, année de plus grande contraction des sorties militaires. Ces chiffres sont seulement indicatifs étant donné que l’on ne connaît pas les données de plusieurs pays, comme l’Angola.
Dans une situation d’absence ou de grand affaiblissement de l’Etat, les acteurs (publics et privés) présents sur les théâtres africains de guerre sont différents: troupes régulières, groupes de guérilla ou paramilitaires, unités d’autodéfense, mercenaires étrangers et troupes régulières étrangères. Le financement de l’effort guerrier se ramène aux sources suivantes : transfert de biens en faveur des unités combattantes (vols, pillages, prise d’otages, et contrôle des marchés) ; taxes ou pots-de-vin sur la production des biens primaires et différentes formes illégales de commerce (que l’on pense aux trafics clandestins de diamants ou à celui de la drogue qui prend pied en Afrique également) ; assistance extérieure, comme expéditions des réfugiés à l’étranger, assistance directe à la diaspora qui vit à l’étranger, ou aides de gouvernement et de multinationales étrangers ; diversion de l’assistance humanitaire en faveur des unités combattantes (armée ou guérilla).
La disponibilité d’armements est assurée au mois par trois facteurs:
1) La démobilisation des arsenaux des pays de l’OTAN et du pacte de Varsovie, suite à la fin de la guerre froide. Les énormes stocks d’armes qui se sont ainsi créés, étant donné le coût élevé de leur destruction, sont mis sur le marché souvent par des opérateurs commerciaux sans scrupules. En particulier, les pays de l’ancien Pacte de Varsovie, à la recherche de valeurs de prix, sont parmi les plus actifs pour soudoyer les flux directs vers l’Afrique. Du point de vue technique, les armes de type soviétique sont bien connues des Africains, étant donné que les guérillas pro-occidentales comme l’UNITA angolaise étaient armées par des canaux parallèles, avec des systèmes orientaux.
2) La démobilisation des appareils belliqueux à la fin des guerres locales n’a pas vu la destruction des arsenaux existants, mais leur installation sur le marché au bénéfice de nouvelles guerres, ou de groupes criminels. C’est ce qui s’est passé en Afrique (par exemple au Mozambique), et en Asie (par exemple au Cambodge).
3) De nouvelles productions de la part des plus grandes puissances (parmi lesquelles Israël placé à tort parmi les producteurs du Tiers-Monde), qui ont restructuré et modernisé leur propre industrie militaire dans les années 1990, ou de la part de producteurs du Tiers-Monde (Brésil, Egypte, les deux Corée, la chine, l’Iran, le Chili). En Afrique sub-saharienne le plus grand producteur d’armes est l’Afrique du Sud qui dispose d’une industrie diversifiée et perfectionnée, où sont entrés en force les colosses des armements franco-allemands (EADS) et anglais (BAE). De petites productions d’armes légères et de munitions se trouvent au Zimbabwé, en Ouganda et au Nigéria.
A côté du commerce des armes il y a les activités appelées pudiquement de « conseil militaire ». L’entraînement, l’encadrement, la fourniture de services logistiques aux différentes formations présentes dans les théâtres belliqueux africains sont les « spécialités » fournies par des agences internationales spécialisées. La figure du mercenaire a évolué. A côté du « vieux mercenaire », rassemblement de bandes ramasseuses constituées selon les besoins, s’est affirmée la figure du membre de véritables et propres multinationales de la « sécurité », auxquels même l’ONU a l’intention de recourir. Dans le secteur, sont présents aussi des Etats à économie socialiste comme Cuba et la Corée du Nord qui, dans les dernières années 1990 ont fourni des troupes mercenaires, la première en Angola et au Congo-Brazzaville, le deuxième à la République Démocratique du Congo.
Sont présentes en Afrique au moins 90 forces privées de sécurité, de différents types. En Angola seulement, il y en a 80, parce que le gouvernement angolais demande aux compagnies minières et pétrolières de pourvoir à leur propre sécurité. Une des plus célèbres est la « Executive Outcome » (EO) d’Afrique du Sud, qui apportait son assistance sous formes de conseillers militaires, de stratégies de bataille, d’entraînement de personnel de terre et d’air, d’intervention directe dans les conflits, et de protection des intérêts miniers et pétrolier présents dans le théâtre de la guerre. La société aurait cessé ses propres activités à la fin de 1999. Le cas de l’EO reste toutefois emblématique parce que faisant partie du même groupe des sociétés minières qui s’assuraient les droits d’exploitation des richesses des pays qui demandaient leur intervention. L’une d’elles, la “Branch Energy”, a été relevée par Diamondworks, une compagnie associée à Sandline, société britannique de mercenaires. Ceci montre le fort mélange d’intérêts entre activités d’extraction, commerce des armes, et emploi de mercenaires en Afrique, et non pas seulement en Afrique.
Les Etats-Unis mais aussi la Grande Bretagne, et d’une manière moins importante, la France, ont intégré dans leur stratégie militaire l’utilisation des sociétés de mercenaires. La « Defence Intelligence Agency » (DIA), le service secret du pentagone, a établi des contacts avec les principales agences du secteur pour étudier leur engagement dans le cadre de la géopolitique africaine des Etats-Unis.
Cela, dans une logique qui voit l’Occident confier la gestion des ses propres activités militaires en Afrique (mais aussi en Amérique Latine) à des acteurs locaux (armés et entraînés par des programmes comme « ACRI » et « RECAMI »), et à des sociétés privées, de manière à éviter des risques pour leur propre personnel militaire.
Ainsi, à côté de l’armement et de l’entraînement fourni d’Etat à Etat, Les fournitures d’armement entre organismes privés deviennent toujours plus importantes. Et les considérations d’ordre géopolitique sont souvent mises au second plan par celles à caractère strictement commercial. Il se produit ainsi que la compagnie pétrolière ELF finance les deux parties du conflit du Congo-Brazzaville, afin de maintenir les concessions pétrolières dans le Pays.
La privatisation de la guerre a aussi des conséquences paradoxales en Afrique, comme le montre le vidage progressif des capacités militaires des armées régulières africaines. Redoutant des coups d’Etat et des révoltes militaires, de nombreux Présidents africains (dans plusieurs cas, arrivés au pouvoir précisément grâce à un coup d’Etat), ont transformé les unités régulières en « armées de parade », en créant en même temps des gardes prétoriennes bien armées et des milices privées pour leur propre sécurité. Ces corps sont formés d’hommes fidèles appartenant à la même ethnie que celle de l’homme fort du pays. Il est ainsi clair que, de cette manière, on sape les bases de l’Etat en faveur d’entités au-dessus de l’Etat (l’ethnie, la tribu, etc.) ou en dehors de l’Etat (les réseaux criminels, les multinationales minières et agricoles etc.).
Le trafic de diamants est un autre exemple de ce type. La constitution de réseaux pour la commercialisation des diamants produits dans les régions contrôlées par les rebelles en Sierra Leone, voit à côté du réseau de trafiquants de diamants les centres d’achat et de vente de ces diamants (Belgique, Grande Bretagne, Suisse, Afrique du Sud, Etats-Unis, Israël), les pays voisins (comme le Libéria), qui alimentent la guérilla pour gagner sur ce trafic, les fournisseurs d’armes (souvent avec des bases dans des paradis fiscaux comme les îles Cayman ou les Emirats Arabes Unis), des compagnies aériennes complaisantes qui les transportent à destination, et des pays (comme le Burkina Faso qui permettent le transit dans leurs ports, ou fournissent les « end user certificate ».
Dans les trafics de diamants, on trouve souvent des personnages du Moyen-orient, et, à côté des motivations commerciales, plusieurs régions de l’Afrique sont devenues des régions d’affrontement « par procuration » entre les puissances du Moyen-orient. Le gouvernement du Soudan, par exemple, est appuyé par l’Iran, el la guérilla du SPLA (Armée de Libération du peuple Soudanais) reçoit des aides de l’Erythrée et de l’Ouganda.
Le Soudan, en outre, reçoit des aides et des financements pour son effort belliqueux, de compagnies pétrolières asiatiques: la compétition pour les ressources vitales touche non seulement les occidentaux, mais aussi les économies asiatiques. L’Afrique sub-saharienne risque ainsi de devenir toujours plus un terrain de conquête des économies plus fortes.
Les intérêts de la “new economy” se mêlent avec ceux de la « old economy ». Le Coltan, minerai stratégique pour l’industrie des téléphones portables, est extrait dans une région du Congo sous le contrôle des rebelles, appuyée par l’Ouganda et le Rwanda. Les acquéreurs sont parmi les plus importantes multinationales occidentales qui achètent le minerai par l’intermédiaire de sociétés situées en Ouganda et au Kazakhstan.

La production militaire en Afrique

En Afrique, la diffusion d’armes légères est une plaie bien connue qui contribue à l’instabilité de vastes régions du continent. En plus des armes provenant d’autres parties du monde (en particulier, mais non exclusivement, de l’Europe de l’Est), s’affirme une production locale qui pourrait avoir avec le temps des développements inquiétants. Parmi les pays africains producteurs d’armes, on trouve: l’Afrique du Sud, le Zimbabwé, le Nigéria, la Namibie, l’Ouganda, le Kénya et la Tanzanie, auxquels s’ajoute l’Egypte.
Le plus grand producteur est l’Afrique du Sud, qui a hérité, du régime de l’apartheid, une industrie perfectionnée et diversifiée. Actuellement, en Afrique du Sud, il y a 700 usines qui travaillent dans le secteur militaire et emploient 22.500 personnes (à la fin des années 1980, il y en avait 160.000). La plus grande partie sont des petites et moyennes industries, et le colosse national est « Denel » qui contrôle les usines les plus significatives. Pour ce qui concerne les armes légères, les plus grand producteurs sont: Vektor (revolvers, fusils d’assaut, mitrailleuses, mortiers, canons automatiques de 20 mm) ; MGL Milkor Marketting (Pty) Ltd (lance-grenades automatiques) ; Mechem (fusils anti-matériel de 12, 7 et 20 mm) ; ARAM (Pty) Ltd (mitrailleuses lourdes de 12,7mm ; New generation Ammunition (munitions de petits et de gros calibres) ; LIW (petits canons de 30 et 35 mm) ; Truvelo Armoury Division (revolvers, fusils et pièces d’armes légères) ; Pretoria Metal Pressing (PMP) (munitions 12,7 x 99 mm ; 12,7 x 76 mm ; 9 x 19 mm ; 7,62 x 51 mm ; 5,56 x 45 mm).
D’après les données officielles, le pays exporte des armes dans 61 pays, même si les régions privilégiées sont le Moyen-orient et l’Afrique. Le plus grand client est l’Algérie, même si ce pays est en proie à une guerre civile dans laquelle les forces de sécurité sont accusées d’atrocités et de massacres contre les civils. Les clients les plus importants sont les suivants : Algérie, Inde, République Populaire de Chine, Emirats Arabes Unis, Taïwan, Singapour, Thaïlande, Cameroun, Chili, Colombie, Koweït, Oman, Pérou, Swaziland, Congo-Brazzaville, Botswana, Ouganda, Rwanda, Tunisie, Côte-d’Ivoire, Kénya, Zambie, Mozambique et Mexique.
En 2001, 32 % des exportations sud-africaines ont été absorbées par l’Afrique. L’Algérie à elle seule représente 28% de toutes les ventes en Afrique. On vend notamment à ce pays africain, UAV (avions sans pilote) de reconnaissance, et un ensemble de mise à jour de la flotte d’hélicoptères de combat Mil Mi24 Hind d’origine soviétique. Le reste des exportations se répartit de la sorte : 15% au Moyen-Orient, 16% en Asie du Sud; 15% dans le reste de l’Asie ; 16% en Europe ; 5% aux Amériques, et 1% aux Nations-Unies, équipements pour les Casques Bleus).
Tous les pays ne peuvent pas recevoir les mêmes systèmes produits par les industries sud-africaines. La loi sur l’exportation des armements a distingué 4 catégories de moyens qui sont soumis à un niveau différent de contrôle pour leur exportation :
Catégorie A: Sensitive Major Significant Equipment (SMSE) - c’est-à-dire toute arme qui peut faire un grand nombre de victimes et causer de grands dégâts.
Catégorie B: Sensitive Significant Equipment (SSE) - armes légères.
Catégorie C: Non-sensitive equipment (NSE) - systèmes utilisés dans le support des opérations de combat sans une capacité spécifique mortelle (par exemple, systèmes logistiques et pour les télécommunications).
Catégorie D: Non-lethal equipment (NLE) - moyens défensifs comme les systèmes de déminage.
Et donc, certains pays peuvent acheter seulement les systèmes des deux dernières catégories (non mortelles), comme le Zimbabwé auquel les dernières fournitures remontent à 2000 et concernaient seulement les systèmes de la catégorie D.
Le Zimbabwé a hérité de son précédent régime lui aussi, d’une industrie embryonnaire de guerre (quand le pays s’appelait encore Rhodésie). Partant de cette base en 1984, on a fondé la Zimbabwe Defence Industries (ZDI). Cette usine produit des armes légères, des munitions et des mines. Le « Know how » pour la production d’explosifs e de mortiers a été fourni par la France, et la Chine a construit une fabrique de munitions pour des armes d’infanterie. Parmi les clients de la ZDI, il y a l’Angola (l’armée gouvernementale et les rebelles de l’UNITA), les rebelles soudanais et la République Démocratique du Congo. Au Congo, où les troupes de Mugabe soutiennent le Président Kabila, en échange des fournitures de la ZDI, Harare est parvenue à obtenir la concession de 37,5% des actions de « Gecamines », l’usine minière de l’Etat du Congo. Avant la fin de la guerre en Angola, il y avait en cours entre Luanda et Harare, des négociations pour la fondation en Angola d’un établissement commun pour la réalisation d’armements. Avec la fin de la guerre, toutefois, le gouvernement angolais semble avoir perdu l’intérêt dans cette entreprise.
La ZDI produit des armes légères (en particulier des copies de la mitraillette israélienne UZI et de la mitraillette tchèque CZ25), et surtout des munitions (De 9 mm à 20 mm), des projectiles de mortiers (60, 81, et 120 mm), des grenades anti-personnel et anti-chars. Parmi les clients officiels du Zimbabwé, il y a l’Afrique du Sud, le Malawi, le Botswana, la Tanzanie et la Zambie.
Toujours en Afrique orientale, l’Ouganda dispose lui aussi d’une petite industrie de guerre Dans ce pays il y a au moins trois usines d’armes. La plus grande, Nakasongola Arms Factory, est de propriété chinoise (un « joint venture » entre le gouvernement de Pékin et des techniciens et entrepreneurs d’origine chinoise, nord-coréenne et sud-africaine). Cette usine se trouve dans la région de Gulu (où sévit depuis des années la Lord’s Resistance Liberation Army, LRA), et produit des armes légères et des mines, fournies à l’armée du Burundi et à l’UNITA angolaise. Il y a aussi la “Saracen” qui fournit l’armée ougandaise, et dont le propriétaire est la Strategic Resources Corporation, nom derrière lequel se cache la célèbre « Executive Outcomes (EO), la Compagnie Militaire Privée sud-africaine (PMC), qui a cessé officiellement ses activités à la fin de 1999, mais que l’on suspecte de devoir agir derrière des noms plus discrets. Il y a enfin Ottoman, Engineering LTD, spécialisée dans les armes légères. Un des clients de l’industrie ougandaise est la République Démocratique du Congo.
Au Kénya, la Kenya Ordnance Factories Corporation produit des munitions pour revolvers et fusils d’assaut (de 20 à 60.000 par jour). L’usine a été construite avec le concours de la FN belge et a été inaugurée en 2000. Le gouvernement du Kénya déclare que sa production est destinée seulement aux forces armées locales, et qu’elle n’a pas l’intention de concéder des licences d’exportation.
Le seul producteur d’armes de l’Afrique occidentale est le Nigéria. La Defence Industries Corporation (DICON) a été créée en 1964 par une loi spéciale, le Defence Industries Corporation of Nigeria Act. Cette industrie a eu un rôle important durant la guerre de sécession du Biafra (1968-1970). Confiée à des entrepreneurs étrangers, l’usine fut déclarée en faillite en 1972, et son directeur général, un allemand, fut expulsé du pays. La société a continué à fonctionner avec des hauts et des bas pendant trente ans environ, sous le régime des militaires. A la fin des années 1990, le nouveau gouvernement civil décida de relancer la production militaire. Dans ce but, on nomma un nouveau conseil d’administration de la DICON, et l’on établit des contacts avec la Russie pour le transfert de technologies.
L’usine nigériane emploie actuellement 700 personnes environ dans l’établissement de Kaduna où sont produites des armes légères et des munitions; l’usine de Bauchi produit des véhicules blindés légers. Officiellement, les armes produites sont destinées seulement aux besoins des forces armées et de la police du Nigéria. Parmi le matériel produit il y a: Nigerian Rifle 1 Model 7,62 mm (RN. - 7,62, sur licence britannico-belge) ; Nigerian Pistol - Model 9MM (NPI - 9mm); Sub-Machine Gun (PM 12S Calibre 9MM sur licence de la Beretta italienne) DICON SG 1 - 86 Single Barrel Shot Gun; DICON M 36 Hand-Grenade; 7.62mm x 51 soft core (Ball) Cartridge 7.62mm X 51 Soft core (Ball); 7.62mm x 51 Blank Bulleted 9 x 19MM Parabellum Cartridge; 9MM Blank Star; 12 Bore Shot - Gun Cartridge.
En Afrique du Nord, le principal producteur d’armements est l’Egypte. Ce pays exporte aussi en Afrique sub-saharienne. En 1992, deux ans avant le génocide rwandais de 1994, on signa un contrat d’achat d’armes égyptiennes en faveur de l’armée rwandaise. Le contrat, garanti financièrement par une banque française, comprenait des mortiers de 60 et 82 mm, 16.000 projectiles de mortiers, des obus de 122 mm, avec 3.000 coups, des lance-roquettes, des explosifs au plastic, des mines anti-personnel et 3 millions de projectiles de petit calibre.
Parmi les producteurs égyptiens d’armes légères il y a : Abu Kir Engineering Industries / Factory 10 (munitions de petit calibre); Al-Ma'asara Company for Engineering Industries (MF 45) (munitions de petit et de gros calibre); Arab International Optronic (AIO) S.A.E (systèmes de pointage); Helwan Machine Tools Company / Factory 999 (mortiers); Kaha Company for Chemical Industries (MF 270) (grenades de fusils, grenades à mains); Maadi Company for Engineering Industries (revolvers, fusils, mitrailleuses légères et lourdes, lance-grenades ; Sakr Factory for Developed Industries (roquettes anti-char); Shoubra Company for Engineering Industries (MF 27) (munitions).

L’héritage de mort des conflits terminés

Quand une guerre se termine, un des problèmes à affronter est le désarmement des anciens combattants. Malheureusement, malgré les efforts faits par les Nations-Unies et par d’autres organisations, en plusieurs occasions on n’est pas parvenu à obtenir un désarmement total. Un des exemples les plus récents est le programme de désarmement de démobilisation au Libéria. La guerre civile entre les combattants fidèles au Président déposé Charles Taylor, et les rebelles des LURD (Libériens Unis pour la Réconciliation et la Démocratie) et du MODEL (Mouvement pour la Démocratie au Libéria) s’est terminée au mois d’août 2003. Le pays se trouve face au problème du désarmement de plus de 85.000 combattants, dont 20.000 sont des enfants soldats (certains ont moins de 9 ans).
Après un faux départ au mois de décembre 2003 (voir l’agence Fides 9 décembre 2003), le programme de désarmement fait par l’Onu commence le 15 avril 2004. En échange de la participation au programme de démobilisation, les combattants reçoivent 300 dollars (en deux tranches, 150 dollars aussitôt, et le reste trois mois plus tard après avoir participé au programme de réinsertion dans la société civile). Il faut noter que les anciens rebelles n’ont pas l’obligation de se présenter avec leur arme pour la remettre aux Casques Bleus de l’ONU. Une situation paradoxale s’est ainsi créée avec la Côte-d’Ivoire, pays voisin. Dans ce pays également, en effet, on a organisé un processus de récupération des armes des rebelles des « Forces neuves », qui contrôlent les régions du nord-ouest. Mais, en Côte-d’Ivoire, les anciens rebelles doivent remettre leurs armes, mais ils reçoivent en échange une somme plus forte, 900 dollars. Il s’est ainsi créé un trafic d’armes, du Libéria en Côte-d'Ivoire, comme l’a d’ailleurs dénoncé l’Eglise catholique du Libéria (cf Agence Fides, 3 mai 2004). Les rebelles libériens cherchent en effet à gagner deux fois, en participant au programme de désarmement dans leur propre pays, et au programme en cours en Côte-d’Ivoire. Dans ce dernier cas, les Libériens se font passer pour des combattants ivoiriens, ou encore, ils vendent leurs armes aux rebelles de Côte-d’Ivoire, en échange d’un pourcentage sur les 900 dollars de paiement pour la remise de l’arme.
Le fait que les rebelles libériens peuvent participer au programme de démobilisation sans remettre leurs armes a des conséquences négatives au Libéria lui-même. Les rebelles, en outre tendent à remettre des armes vieilles et inutilisables, en cachant les armes plus récentes. Ainsi, sur 11.000 hommes armés enregistrés dans la première semaine du programme de démobilisation, seules 8.500 armes ont été récupérées. En tenant compte que les combattants peuvent posséder plus d’une arme, il s’agit d’un résultat plutôt décevant et préoccupant (cf. Agence Fides, 10 juillet 2004). Et même là, le programme a obtenu de bons résultats, il y a des motifs de préoccupation. Au Congo-Brazzaville, par exemple, le programme organisé par IOM et UNDP et commencé au mois de juillet 2000, a permis de récupérer en moins d’un an 28% des 57.000 armes légères en circulation dans le pays.
Les armes en circulation vont ainsi alimenter des circuits illégaux qui fournissent la délinquance et les guérillas des pays voisins. L’héritage de mort que représentent ces armes continue ainsi à être une source de déstabilisation pour des régions entières de l’Afrique. L’arme préférée du banditisme africain n’est pas le revolver mais la kalachnikov (AK47), recyclée par les anciens rebelles. Les braconniers qui sévissent dans le Parc national Kafue en Zambie septentrionale, par exemple, utilisent des kalachnikov importées dans le pays par des réfugiés angolais. Dans le nord du Cameroun, plus de la moitié des bandits de grand chemin sont des anciens rebelles provenant de République Centrafricaine, du Tchad, et du Nigéria.
A cause de la diffusion importante d’armes légères dans le continent, 18% des homicides et des suicides avec des armes à feu, enregistrés en un an dans le monde entier, se sont produits en Afrique. Sur le continent, les armes de guerre servent dans 35% des homicides, dans 13% des vols, et dans 2% des viols. Le pays le plus touché par la violence armée est l’Afrique du Sud, où, chaque année, il y a 30 homicides avec armes à feu par 100.000 habitants, donnée qui met ce pays à la deuxième place au plan mondial, après la Colombie.

Un désarmement possible

D’après des experts, toutefois, la situation africaine est tragique mais pas désespérée. Les estimations sur le nombre d’armes légères en circulation en Afrique sub-saharienne ont été revues récemment à la baisse: d’une estimation initiale de 10 millions d’armes, on est passé à 30 millions (5% de toutes les armes légères en circulation dans le monde). Il s’agit d’un chiffre important mais qui ne rend pas impossible la réalisation de programmes de désarmement. Il faut souligner toutefois que 80% des ces armes sont aux mains de civils, contribuant ainsi à l’instabilité de plusieurs régions de l’Afrique.
D’autre part, cette donnée est préoccupante parce qu’elle signifie que même avec un nombre relativement réduit d’armes, un nombre réduit de rebelles est en mesure de compromettre la vie de pays entiers.
Cette situation peut se rencontrer en Afrique Occidentale, où les guerres civiles au Libéria et en Sierra Leone ont mis à terre l’Etat et détruit le tissu économique et social des deux pays. On estime que dans les années 1990, au sommet de la violence dans la région, le total des insurgés était de 47.000 hommes, avec de 60.000 à 80.000 armes. En tenant compte des armes achetées pour remplacer les armes détruites, perdues ou volées, on peut dire que, en 10 ans, la région n’a pas absorbé plus de 250.000 armes.
La présence des armes dans la région a entraîné des courants illégaux dirigés aussi vers des pays considérés comme étant relativement stables, comme le Ghana où, d’après des données officielles, il y a plus de 40.000 armes à feu hors du contrôle de l’Etat. Au Nigéria, pays traversé par des tensions ethniques et religieuses qui débouchent souvent en violences, il y aurait au moins un million d’armes détenues illégalement.
Il faut tenir compte du fait que, lorsque l’on est en présence d’intérêts économiques et stratégiques comme le contrôle de ressources comme le pétrole, il n’y a pas de problèmes pour les rebelles locaux pour trouver des armes. C’est le cas des trois guerres civiles qui ont secoué le Congo-Brazzaville en 1993, 1997 et 1998-1999. Les différentes milices qui se sont combattues ont reçu un flot constant d’armes. Sur les 74.000 armes légères distribuées aux forces combattantes congolaises, 24.500 provenaient des arsenaux des forces de sécurité, et que 49.500 ont été importées. Parmi les pays qui ont vendu des armes aux différentes milices, il y a Israël, l’Afrique du Sud, la Chine, la République Démocratique du Congo, le Gabon et le Zimbabwé. Le Congo-Brazzaville a la triste primauté d’être le premier pays dans lequel un groupe qui n’est officiel, la milice Cobra, est entrée en possession des roquettes meurtrières russes RPO-A Shmel. Il s’agit de roquettes employées par les forces soviétiques en Afghanistan et par les forces russes en Tchétchénie, qu utilisent un mélange air-combustible pour créer une explosion qui brûle l’oxygène dans la zone autour de la cible. Il se produit alors une décompression forte et soudaine qui rase au sol tous les bâtiments avoisinants et écrase les poumons dans la cage thoracique.
Les circuits criminels internationaux sont capables fournir en armes les arsenaux de la guérilla, et donc du terrorisme, d’instrument perfectionnés de mort. (L.M.)
(Agence Fides, 24 juillet 2004, 439 lignes, 5.600 mots)


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