ASIE / IRAK - NOUS COLLABORONS AVEC LES MUSULMANS POUR AIDER LES POPULATIONS IRAKIENNES : ENTRETIEN AVEC LE RESPONSABLE DE LA COOPERATION INTERNATIONALE DE LA CARTITAS INTERNATIONALIS

vendredi, 30 mai 2003

Rome (Agence Fides) – « Nous avons établi une bonne collaboration avec le monde islamique, malgré les difficultés qui découlent du manque de sécurité ». C’est ainsi que M. Karel Zelenka, responsable du Département Coopération Internationale, de la Caritas Internationalis, décrit les activités de la Caritas en Irak, un mois après la fin de la guerre. Le docteur Zelenka, de retour d’une tournée de reconnaissance en Irak, a bien voulu répondre aux questions de l’Agence Fides.

Quelles sont les activités de la Caritas en Irak ? Avez-vous des rapports de collaboration avec les musulmans ?
Nous avons ouvert plusieurs centres à Bagdad, Bassora, Mosul, Kirkuk, Najab et dans plusieurs villages du nord du pays. Dans chaque centre il y a un pédiatre, aidé d’une infirmière et de plusieurs assistantes sociales. Notre principale activité est l’assistance pour les enfants et pour les mères. Nous distribuons du lait, des légumes frais pour l’alimentation des enfants. Nous organisons aussi des cours pour les jeunes mères sur l’éducation de leurs enfants, en surmontant les difficultés qui proviennent des pénuries dans lesquelles vit la plus grande partie des Irakiens.
Nous avons établi de très bons rapports avec la population musulmane, au point que dans plusieurs cas, 90% des personnes aidées sont des musulmans.
Au point de vue sanitaire, quels sont les principaux problèmes ? Quelles sont les catégories sociales qui risquent le plus ?
Dans les hôpitaux, on manque de médicaments, et spécialement pour les malades chroniques. En Irak, il y a fort pourcentage de personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires, qui ont besoin de prendre chaque jour des médicaments pour tenir sous contrôle leurs conditions de santé. En outre, le manque d’électricité et d’eau potable touche les hôpitaux, qui ne sont plus alors en mesure de faire fonctionner les appareils, et notamment pour les radiographies.
Parmi les catégories sociales les plus frappées, il y a les personnes âgées, et en particulier celles qui vivent dans les grandes villes. On ne distribue plus les retraites, en raison aussi du fait que les archives de la sécurité sociale ont été détruites. Les autorités militaires américaines ont donc décidé d’attribuer 40 dollars par mois à tous ceux qui sont en possession d’un carnet de retraite.
Et le problème de la sécurité influe-t-il sur le processus de reconstruction du Pays ?
Il s’est créé un vide du pouvoir qui n’a pas encore été comblé. Les autorités militaires américaines ont du mal à garantir des conditions de sécurité sur le territoire. Il est vrai aussi que leur travail est rendu compliqué par toute une série de facteurs. En particulier, il est vraiment difficile de contrôler une ville de 6 millions d’habitants environ comme l’est Bagdad. L’Irak est un pays particulier urbanisé, près des deux tiers de la population irakienne habitent dans les centres urbains, et cela complique le travail de ceux qui doivent assurer l’ordre public. Il y aussi les barrières de la langue. Il y a des interprètes agrégés aux forces américaines, pour faciliter les contacts avec la population qui ne parle pas anglais ; mais il n’est pas possible de les aider dans tous les domaines. Et puis comment reconnaître un camion qui transporte légitimement des ustensiles de ménage d’un autre qui transporte des marchandises volées ?
L’insécurité bouleverse la vie ordinaire des Irakiens. De nombreux services commerciaux sont fermés ; les transport publics ne fonctionnent pas régulièrement, et ainsi de suite. Dans plusieurs régions, il n’y a ni eau potable ni électricité, et les communications téléphoniques sont toujours en grande partie interrompues. Dans la pratique, de nombreuses personnes ne travaillent pas, et donc ne gagnent rien. Du point de vue humanitaire, la situation est pour l’heure sous contrôle, surtout pour ce qui concerne l’alimentation, parce que le régime avait distribué des réserves de nourriture avant le déclenchement de la guerre. Mais il est clair que dans les prochains mois, il y aura des problèmes, pour la raison également que, avec l’abolition du programmes « oil for food », il n’y a plus ce mécanisme qui permettait à l’Onu d’acheter de la nourriture pour le Irakiens en vendant le pétrole irakien. Désormais, on se fie au marché, mais si les gens n’ont pas d’argent pour s’acheter de la nourriture, comment pourra-t-on nourrir les Irakiens ? Voilà pourquoi il faut rétablir au plus tôt des conditions de sécurité pour permettre à l’économie de recommencer à fonctionner.
D’après vous, qui êtes un expert d’une grande organisation catholique humanitaire, quelle pourrait être la solution pour garantir la sécurité pour le développement et pour la relance de l’économie irakienne ?
Il faut envoyer des forces de police, si c’est possible de la part des Pays arabes. De cette manière, nous aurons sur le terrain des policiers qui parlent la langue locale et sont plus proches de la culture des Irakiens. Les soldats, d’autre part, ne sont pas entraînés pour faire le travail de policiers, ils ont des rôles différents.
Il y a en outre des difficultés entre une ville et l’autre. A Mosul, par exemple, la police irakienne patrouille dans les rues avec les troupes américaines. Quand on pourra enfin reconstruire un corps de police irakien sur tout le territoire national, alors on aura fait un pas en avant vers le retour à la stabilité. (L.M.)(Agence Fides, 30 mai 2003, 67 lignes, 898 mots)


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