ASIE/INDE - Poursuite des violences interethniques au Manipur; premiers germes d'un dialogue possible

vendredi, 9 juin 2023 dialogue   violence   réconciliation   tribalisme   indigènes  

Imphal (Agence Fides) - Le bilan des violences en cours dans l'Etat indien de Manipur (nord-ouest de l'Inde) entre les communautés ethniques Kuki et Meitei s'est alourdi à 98 morts, a annoncé le bureau du Chief Minister de Manipur. Selon les rapports, plus de 300 personnes ont été blessées, plus de 4 000 incendies criminels se sont produits et environ 37 000 personnes se trouvent actuellement dans des abris d'urgence. Selon d'autres sources locales, il y aurait plus de 200 victimes, les cas de violence continuant d'être signalés quotidiennement. Le 2 juin, plus de 200 maisons ont été incendiées dans la région de Sugnu, tandis qu'environ 300 bâtiments, églises, chapelles ou salles de culte chrétiennes (de différentes confessions) ont été endommagés ou détruits.
Le conflit ethnique entre les communautés Kuki et Meitei a commencé le 3 mai et depuis lors la situation reste volatile (voir Fides 9/5/2023). Les violences ont commencé après une marche de protestation à laquelle ont participé plus de 60 000 personnes, organisée par l'Union des étudiants tribaux du Manipur (Manipur Tribal Students Union). Les étudiants s'opposaient à une demande de la Haute Cour de Manipur au gouvernement de l'État d'envoyer une recommandation au gouvernement central pour inclure les communautés Meitei dans la catégorie des "Scheduled Tribe" (tribu reconnue), ce qui leur permettrait d'accéder aux avantages et notamment aux terres réservées aux autres groupes indigènes.
Le 30 mai, le ministre de l'intérieur de l'Union, Amit Shah, s'est rendu dans l'État et a demandé aux deux communautés de maintenir 15 jours de paix. Malgré cela, la violence n'a pas cessé. Le gouvernement central indien a mis en place une commission chargée d'enquêter sur les causes et la propagation de la violence. Cette commission devrait remettre son rapport dans les six mois. Selon certaines organisations locales de la société civile, le premier ministre Biren Singh est l'un des responsables de l'escalade de la violence. Les Kukis affirment que les forces de sécurité collaborent avec les Meitei pour attaquer leurs communautés, alors qu'ils n'agissent qu'en état de légitime défense.
Les communautés tribales sont largement convaincues que la manière dont les médias ont rendu compte des violences est manifestement biaisée : selon la presse, les derniers incidents violents ont été perpétrés par des militants kuki, ce qui a donné lieu à des affrontements avec les forces de sécurité à Manipur. Lors d'une conférence de presse, le Premier ministre Singh a également déclaré que "plus de 40 "terroristes" kuki ont été tués par les forces de sécurité lors d'opérations de défense". Toutefois, les communautés locales notent qu'actuellement, en raison du blocage d'Internet, prolongé jusqu'au 10 juin, et du manque d'accès dans les zones montagneuses, les médias n'ont accès qu'au récit de la communauté Meitei.
Dans cette situation délicate et complexe, les communautés catholiques locales constatent qu'il existe un besoin important d'aide humanitaire. Bien que le gouvernement ait annoncé des programmes d'aide, les communautés affirment que très peu d'aide a atteint les zones tribales. L'archevêque émérite de Guwahati, Thomas Menamparampil, a noté que la violence se poursuit depuis plus d'un mois et qu'il est clair que les mesures prises jusqu'à présent n'ont pas été suffisantes pour y mettre fin et gérer la crise. Afin d'assurer la protection des communautés vulnérables et des personnes déplacées, l'archevêque a entamé un suivi de la situation et organisé une visite dans certaines zones accessibles, afin de mettre à profit sa vaste expérience des relations interethniques et de semer les premières graines d'un mouvement de dialogue, de rapprochement et de réconciliation.
(PA) (Agence Fides 9/6/2023)


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