AFRIQUE/ eSWATINI - L’Évêque Ponce de León : "La sortie de crise passe par un dialogue national véritablement inclusif"

vendredi, 8 octobre 2021 dialogue   politique  

Manzini (Agence Fides) - " Nous vivons une période d'incertitude et de tension. Depuis le début de la crise, qui a éclaté à la fin du mois de juin dernier, nous avons clairement indiqué lors de nos rencontres avec le Premier ministre par intérim, que la seule façon de sortir de l'impasse était le dialogue national, mais que ce dialogue devait être totalement inclusif pour fonctionner. Nous savons que le dialogue est pratiqué ici, mais le véritable défi aujourd'hui est qu'il devienne réellement inclusif, et jusqu'à présent, il ne peut être considéré comme tel. L'inquiétude est présente dans les propos communiqués à l'Agence Fides par Mgr José Luís Gerardo Ponce de León, Évêque de nationalité argentine, missionnaire de la Consolata, de Manzini, l'unique diocèse d'eSwatini. La petite nation, dernière monarchie absolue d'Afrique, connue il y a quelques mois encore pour sa relative tranquillité, a sombré au début de l'été dans le chaos à la suite de manifestations massives réprimées dans le sang par la police.
L’Évêque note : "Prenez, par exemple, la dernière visite de la délégation envoyée par la Communauté de développement de l'Afrique australe (Sadc). Les représentants ont rencontré divers interlocuteurs, ONG, organisations politiques et associations. Mais un grand nombre d'organisations sociales ont été laissées de côté parce que quelqu'un au sommet a décidé qu'il était préférable de ne pas les inclure. Cette façon de faire exaspère encore plus les gens. Le gouvernement et le roi ne donnent pas l'impression de vouloir s'engager dans la voie du dialogue national. Lorsque nous avons rencontré les autorités civiles, nous, les représentants du Conseil des Eglises, avons parlé de la nécessité d'un dialogue inclusif et avons proposé d'identifier des interlocuteurs pour s'asseoir à la table des négociations. Nous avons ensuite rencontré de nombreuses personnes et nous avons présenté un rapport lors d'une autre réunion avec le nouveau chef du gouvernement. Mais la réponse a été qu'il était impossible d'organiser de nouvelles réunions avec tous les représentants, en raison de la troisième vague du virus. Entre-temps, les infections ont diminué, mais il n'y a pas de nouvelles possibilités de dialogue".
José Luís Gerardo Ponce de León poursuit : "La situation s'est aggravée depuis l'apparition de la pandémie et les émeutes ont rendu le contexte encore plus tendu et instable. Il y a quelques mois, un rapport a été publié, décrivant Swatini comme l'un des pays les plus inégalitaires au monde. Il y a un grand fossé dans la société. Un grand nombre de personnes ont perdu leur emploi et, par conséquent, la pauvreté a augmenté ; la moitié des jeunes sont au chômage et beaucoup d'entre eux ne voient aucun espoir pour l'avenir : cela peut conduire à la colère et à la violence. Le 29 juin, lorsque la violence a atteint son paroxysme, je n'ai pas pu rentrer chez moi et j'ai rencontré sur le chemin de nombreux jeunes en colère et frustrés ; si le gouvernement ne fait rien de concret, la colère restera. Dans notre pays, l'école primaire est gratuite, mais à partir des niveaux supérieurs, il faut payer des impôts et de nombreuses familles ne peuvent pas se le permettre. Ceux qui parviennent à étudier et à obtenir un diplôme ont beaucoup de mal à entrer dans le monde du travail, et les familles voient leurs énormes efforts pour l'éducation de leurs enfants humiliés".
Depuis les violents affrontements qui ont fait craindre une percée martiale en juillet, on est progressivement passé à un calme relatif : "Aujourd'hui, le déploiement de l'armée est ininterrompu dans tout le pays. Le couvre-feu pour Covid, bien que la situation se soit améliorée, n'a été réduit que d'une heure. Il n'y a pas d'affrontements dans les rues mais nous avons des rapports d'incidents et de violence au niveau local".
Le Conseil des Eglises continue à rencontrer toutes les réalités du pays pour suivre et proposer des solutions : "Nous croyons fermement que si le dialogue - conclut l'évêque - fait encore défaut, c'est parce que nous n'y sommes pas encore préparés. Sommes-nous vraiment prêts à nous écouter les uns les autres ? C'est très important, mais il faut de la formation pour y arriver. Non seulement le gouvernement mais aussi la société doivent faire un effort. L'Église catholique intervient dans le débat, conseille, par le biais de déclarations, d'avoir des attitudes visant le bien commun et soutient également financièrement les familles les plus démunies. Pour le grave problème des frais de scolarité, nous avons proposé à un certain nombre de familles de payer nous-mêmes au moins 20 % des coûts, et si nous disposons des ressources nécessaires grâce à des dons, nous essayons également d'offrir des pourcentages plus élevés".
(LA) (Agence Fides 8/10/2021)


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