ASIE/INDONESIE - Mobilisation d'organisations catholiques visant à obtenir justice pour les catéchistes tués en Papouasie

mercredi, 11 novembre 2020 droits fondamentaux   indigènes   justice   catéchistes   violence   société civile  

Le catéchiste Rufinus Tigau

Jayapura (Agence Fides) – Que cessent immédiatement les violations des droits fondamentaux en Papouasie, en particulier de la part des membres de forces de sécurité indonésiennes et que soit conduite sans retard une enquête indépendante et crédible sur les cas du meurtre du catéchiste catholique Rufinus Tigau et de Meinus Bagubau, en impliquant la Commission nationale pour les droits fondamentaux et les responsables de l'Eglise afin de traduire leurs responsables devant la justice » : c'est ce que demandent dans un document parvenu à l'Agence Fides quatre organisations de l'Eglise en Papouasie indonésienne, à savoir la Commission Justice et Paix du Diocèse de Timika (SKP Timika) ,la Commission Justice et Paix de l'Archidiocèse de Merauke (SKP Kame), la Commission Justice et Paix et protection de la Création des Franciscains en Papouasie (SKPKC Fransiskan Papua), la Commission Justice et Paix et protection de la Création des Augustins du Vicariat Cristus Totus en Papouasie (SKPKC OSA Papua). A leurs cotés s'est rangée et a offert sa contribution l'ONG internationale et accréditée à l'ONU Franciscans International (FI).
Il s'agit d'un rapport très détaillé et documenté, fruit du travail de recherche des organisations catholiques sur un cas de meurtre intervenu dans la région la plus orientale de l'Indonésie et sur le cas de blessures infligées à un mineur, intervenu le même jour. Ainsi que cela a été indiqué à l'Agence Fides, l'affaire est encore en attente d'une conclusion rendant justice aux victimes et à leurs familles. Dans le rapport intitulé Extrajudiciaire killing of Mr Rufinus Tigau, sont reconstruits les deux cas de Rufinus Tigau et de Meinus Bagubau, qui remontent au 26 octobre de cette année. Rufinus Tigau, papou autochtone de 28 ans et catéchiste catholique du Diocèse de Timika, en province de Papouasie, a été tué par balles par des membres d'une opération conjointe entre l'armée et la police indonésiennes déclenchée à Kampung Jibaguge, dans le district de Sugapa, de la Régence d'Intan Jaya en Papouasie. Meinus Bagubau, âgé de 12 ans, a lui aussi été blessé à diverses reprises par balles au cours de cette même journée.
Le rapport reconstruit les phase de l'incident du 26 octobre dernier dont est fourni également un cadre précis : « Depuis décembre 2019, dans la zone de la Régence d'Intan Jaya Regency, a été déclenchée une opération conjointe entre l'armée indonésienne (TNI) et la police (POLRI) dans le cadre des efforts visant à combattre un mouvement indépendantiste papou dénommé Tentara Pembebasan Nasional Papua Barat (armée de libération nationale de la Papouasie occidentale – TPN-PB). Différentes fusillades ont eu lieu – explique le dossier – qui ont fait des victimes de part et d'autre ainsi que des morts parmi les civils vivant sur zone ». Déjà, après la mort du pasteur protestant Yeremia Zarambani le 19 septembre dernier, indique encore le rapport, « la Commission nationale indonésienne pour les droits fondamentaux (Komnas Ham) avait émis une déclaration publique sur les violences au sein de la régence d'Intan Jaya », prouvant au moins 18 cas de violences ayant impliqué des victimes civiles et du personnel de sécurité. En outre, le rapport rappelle qu'outre des épisodes bien connus, « cette année a vu également différents incidents avoir lieu dans la zone des activités minière de PT Freeport Indonesia », en particulier au sein de la mine de Grasberg, dans la région de Timika, en Papouasie, et que « en deux occasions, les indigènes papous ont été identifiés de manière erronée comme membres de la TPN-PB et passés par les armes par des membres des forces armées et de police indonésienne » alors que la guérilla a procédé à l'exécution sommaire d'un travailleur.
Après le contexte, est reconstruit le cas tragique du 26 octobre, lorsque Rufinus Tigau s'approche des forces de sécrité qui ont encerclé la zone où il habite et continue à faire feu. Le catéchiste désire seulement des explications et cherche un geste de conciliation. Le rapport remarque : « R. Tigau s'est approché des membres de la sécurité et a déclaré : « S'il vous plaît, cessez de tirer. Nous devons parler tranquillement. Quel est le problème ? ». Un membre des forces de l'ordre a pointé une arme de poing contre lui, lequel a immédiatement levé les mains en signe de soumission. Il a toutefois été tué sur place » de sang froid. Dans le cadre de la fusillade qui se poursuivait, est également touché Meinus Bagubau. L'armée nie l'existence d'un incident, accusant R. Tigau d’être membre du groupe armé séparatiste criminel (Kelompok Kriminal Separatis Bersenjata – Kksb), locution désignant la TPN-PB. « Toutefois – indique encore le dossier – l'affirmation selon laquelle R. Tigau était membre de la TPN-PB a été démentie par le Père Martin Kuayo, Administrateur du Diocèse de Timika, lequel a confirmé que Rufinus Tigau était un pacifique catéchiste de son Diocèse ».
Les organisations catholiques dénoncent un deuxième cas intervenu dans les jours précédents, celui d'Agustinus Duwitau, catéchiste dans le village d'Emondi, au sein du district de Sugapa, blessé le 7 octobre, alors qu'il revenait à son domicile. Selon des sources locales, lui aussi aurait été blessé de sang froid parce que soupçonné d'appartenir à la TPN-PB.
L'Intan Jaya Regency est la région dans laquelle se trouve le Wabu Block, partie intégrante de la concession minière papoue accordée par le gouvernement indonésien l'entreprise PT Freeport (qui est devenue ensuite PT Freeport Indonésie, dans la mesure où le gouvernement a augmenté sa participation au capital de la société. En juillet 2015, a été signé un accord entre le gouvernement et PT Freeport Indonésie visant à restituer le bloc Wabu – riche en or – au gouvernement. Les organisations pour les droits fondamentaux et les églises ont à plusieurs reprises averti le gouvernement des violations des droits fondamentaux perpétrées dans l'Intan Jaya Regency. Voici plusieurs années, le plan visant à extraire les réserves en or de la zone avait été rejeté par ses habitants par crainte de graves dommages environnementaux pour les communautés indigènes qui y résident.
La Papouasie – ou Irian Jaya – est la province indonésienne de l'ile de Nouvelle Guinée. Depuis des décennies, la population locale se plaint de discriminations et d'abus perpétrés par les autorités et les forces de police indonésiennes. La province, ancienne colonie néerlandaise, a été annexée par l'Indonésie en 1969 suite à un référendum controversé. Les indigènes papous constituent près de la moitié de la population, laquelle revendique une indépendance politique et demande depuis des années un nouveau référendum même si, en 2002, le gouvernement de Djakarta a concédé à la région un statut d'autonomie spéciale. (MG-PA) (Agence Fides 11/11/2020)


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