AFRIQUE/NIGER - Vers le deuxième anniversaire de l'enlèvement au Niger d'un missionnaire italien

mardi, 15 septembre 2020 enlèvements   missionnaires  

SMA

Niamey (Agence Fides) – « C'était la nuit lorsqu'ils vous ont enlevé et depuis lors deux années de ténèbres ont passé, interrompues seulement par un court message vidéo du 24 mars dernier, premier et pour l'instant seul signe de vie. Des témoignages, des récits, des hypothèses, des recherches et peut-être des négociations ont eu lieu. Nous savons peu de chose de tout cela ». C'est ce qu'écrit à l'Agence Fides le Père Mauro Armanino, de la Société des Missions africaines et confrère du Père Pierluigi Maccalli, enlevé à Bomoanga le 17 septembre 2018.
Le missionnaire adresse à son confrère et ami une pensée particulière, se souvenant de l'un des nombreux événements partagés. « Cher Pierluigi, lorsque nous avons eu l'accident de voiture dans les environs de Padoue, nous avons été pendant quelques jours dans le même hôpital. Vous m'aviez fait parvenir un billet écrit à la main dans « notre » kulango phonétique de Côte-d’Ivoire, demandant pardon pour ce qui était arrivé. Vous aviez été sauvé par un jeu du destin dans la mesure où vous conduisiez pour m'accompagner à la gare, avec votre disponibilité habituelle. Qui sait pourquoi je me suis rappelé de ce détail à quelques jours du deuxième anniversaire de votre enlèvement de la part d'inconnus dans la nuit du 17 septembre. Ce sera peut-être à cause de ce miracle chirurgical qui a reconstruit les parties blessées de votre corps, le fer dans les os et l'immobilité forcée qui vous avait étrangement préparé à votre actuelle captivité. « Maintenant les fers sont différents et ressemblent à des clous fichés dans les poignets et dans les pieds. Le coté était déjà blessé par les années passées ensemble dans la même mission de Bondoukou » ajoute le Père Armanino.
Le missionnaire retrace un autre épisode. « Des centaines de pèlerins rentraient simultanément de la Mecque et c'est à eux qu'était accordée la priorité au moment de sortir de l'aéroport Diori Hamani de Niamey. Dans l'attente de votre avion, je repensait que, lors de ma première venue dans le pays, en avril 2011, vous m'aviez vous-même accueilli et accompagné dans la maison où j'habite depuis lors. Votre chambre, les confrères en souriant s'en amusaient parfois, était la numéro 2. Là, vous laissiez toutes vos affaires dans une armoire métallique pour vos visites bimestrielles, destinées à acheter tout ce qui était nécessaire pour vivre dignement à Bomoanga, à plus de 130 km de Niamey, dans une zone semi désertique. Vous portiez toujours des nouvelles provenant de loin, des pauvres paysans et des petites et fragiles espérances que vous cherchiez à partager au travers de projets d'un humanisme intégral attentif. Vous aviez dormi dans cette chambre le dernier soir avant de repartir pour votre zone et, avec des amis, nous avions dîné au restaurant italien de Niamey, le Pilier, bien connu. L'Ambassadeur nous avait offert ce qui, en commentant avec lui et d'autres, aurait été notre dernier dîner avant le drame. A ce dîner, tous étaient présents : les pauvres, les enfants dont vous vous occupiez, la fillette morte au Bambin Gesù de Rome après une tentative désespérée de la sauver, les animateurs, les familles, les jeunes que vous aidiez à continuer leurs études ou une formation professionnelle. Peut-être y avait-il un Judas parmi eux. Il existe toujours quelqu'un, quelque part, qui trahit ses amis, qui aurait informé, consciemment ou non, les ravisseurs de votre retour et de vos habitudes du soir. Il faisait nuit et ceux qui vous auraient ensuite enlevé savaient que vous ne fermiez pas immédiatement la porte de votre chambre. Des personnes passaient pour chercher des médicaments pour les urgences qui, dans un village perdu et privé de services sociaux, ne manquent jamais. Ils savaient qu'il y avait de la lumière et une porte qui s'ouvrait ave le sourire d'une espérance désormais à portée de main ».
Le Père Armanino continue de prier pour son confrère se souvenant de « la dernière nuit à Bomoanga, qui ne se trouve même pas sur les cartes les plus sophistiquées de Google, dernier ou presque des petites bourgs sans avenir si ce n'est celui que lui et la communauté chrétienne cherchaient à lui offrir : un collège, le projet d'un internat et surtout le besoin d'offrir des raisons pour rester sur place dans la dignité ». (MA/AP) (Agence Fides 15/09/2020)


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