AFRIQUE / CONGO (REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE) - « Le peuple congolais souffre depuis 45 ans, et particulièrement depuis ces 15 dernières années de transition déclarée, parsemée de guerres fratricides et de graves troubles chroniques meurtriers. Aussi demandons-nous à tous et à toutes de s’abstenir de tout acte de violence d’où qu’il vienne », déclare le Président de la Conférence Episcopale

samedi, 28 mai 2005

Kinshasa (Agence Fides) -Nous demandons « à tous et à toutes de s’abstenir de tout acte de violence d’où qu’il vienne », déclare Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, Archevêque de Kisangani, et Président de la Conférence Episcopale de la République Démocratique du Congo, dans un document publié le 27 mai dernier, dans lequel il invite tous les Congolais au calme après les derniers actes de violence qui ont eu lieu dans le pays. Voici le texte de cette déclaration.

Introduction
1. Le 5 février 2005, le Comité permanent de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), a publié une importante Déclaration, ayant pour titre : « LE CONGO NOUS APPARTIENT ». Il portait sur les préoccupations des évêques face à la situation politique en cours dans notre pays, particulièrement depuis le début de cette année 2005. L’Episcopat y a relevé autant les signes d’espoir que les signes d’inquiétude, sur les plans politique, social, culturel, religieux et sécuritaire.
Situation nouvelle
2. Depuis le mois de février dernier, des événements nouveaux se sont produits : l’adoption par le Parlement du projet de Constitution de la 3e République, étape très importante sur le chemin en droite ligne vers les échéances électorales ; la visite du Chef de l’Etat sud-africain, à l’occasion de laquelle le Président de la CENCO lui a remis un Mémorandum ; le discours de bilan du Président de la République, le 16 mai, devant les Parlementaires.
En outre, des réactions populaires, plus ou moins vives, et parfois exprimées avec violence, ont été enregistrées ici et là dans la capitale et dans les provinces ; réactions qu’il convient d’examiner et d’évaluer sérieusement et en profondeur, notamment en ce qu’elles paraissent largement appuyées sur base de frustrations, d’exaspération à cause des conditions générales de la vie sociale, et d’impatience devant un avenir promis plus heureux mais qui tarde toujours à se concrétiser.

Appel à l’apaisement
3. Pour apporter une fois de plus, à ce stade, sa contribution positive dans la situation encore préoccupante du pays, avant l’échéance des élections nationales générales, la CENCO formule les recommandations suivantes :
1° Au niveau des structures et composantes dirigeantes de l’Etat, en communication avec les représentants de la Communauté internationale, au niveau des partis politiques et des organisations de la Société civile, ensemble, il faut tout faire pour que puissent être garanties, d’ici la date du 30 juin 2005, et au-delà de cette date, les conditions de dialogue positif, de calme, de paix et d’apaisement psychologique chez tous. Il faut absolument rassurer les esprits.
2° Contribuer particulièrement à créer les conditions de confiance et d’espoir fondé, pour l’ensemble du peuple congolais, sur des informations précises concernant l’échelonnement et le calendrier bien programmé des actes successifs à poser d’ici l’aboutissement effectif des échéances électorales. Il s’agit en fait, des conditions préalables ainsi que des dates prévues des échéances électorales elles-mêmes : recensement et enregistrement des électeurs, dates du référendum et des élections.
3° Les conditions préalables et échéances référendaires et électorales. Il s’agit de :
1) Moments prévus du brassage effectif et de l’intégration effective de toutes les forces dans l’unique armée nationale et l’unique police nationale.
2) Mise en place effective sur toute l’étendue du territoire national des instruments techniques et des moyens logistiques requis, supports des opérations de recensement et d’enrôlement des électeurs, ainsi que de la procédure conduisant aux élections elles-mêmes.
3) Echéances référendaire et électorale.

- A partir du moment où le Projet de la Constitution est censé avoir été diffusé et suffisamment porté à la connaissance des citoyens congolais, il convient de prévoir au moins deux bons mois d’explication des points principaux, essentiels et décisifs contenus dans le Projet, au cours de la campagne référendaire. Ainsi, toutes les instances nationales et le peuple pourraient s’engager et engager l’avenir du pays, bien informés et en connaissance de cause.
- Si à la suite du référendum, portant non seulement sur la globalité du texte du Projet, mais aussi sur les points importants, il s’avérait utile et convenable de rapprocher et d’harmoniser des options exprimées, il pourrait apparaître indiqué de penser à mettre en place une Commission constitutionnelle ad hoc, constituée d’un nombre pas trop élevé de membres, choisis d’après les critères et principes de représentativité, de compétence supposée et d’expérience politique et sociale.
- Les dates de procédure aux différentes élections à venir, - présidentielles, législatives et municipales -, devraient pouvoir être annoncées, dans une communication générale, dès les toutes prochaines semaines, avec des engagements réalistes, fondés sur des études assurées de faisabilité, pour ne pas devoir les reporter encore une fois de plus.

4° A propos des recherches en cours actuellement pour trouver, par le dialogue et dans les échanges de points de vue, des formules éventuelles réalistes et viables, pouvant concourir à une meilleure mise en œuvre des actions pour faire avancer et bien faire aboutir le processus de la transition, la CENCO exprime en principe une position favorable en la matière. Pour sa part, elle est prête à y apporter toute contribution qui pourrait être souhaitable et souhaitée.

4. En tout état de cause, nous rappelons à tous les fils et filles de notre pays que la vie humaine est sacrée ; elle appartient à Dieu : « Tu ne tueras pas », dit le Seigneur (Ex 20,13). Par ailleurs, « la violence n’est pas chrétienne » (Pape Paul VI). Enfin, l’Etat de droit exclut l’anarchie et le désordre; il impose le respect de la loi, selon laquelle tout citoyen doit conformer sa vie et son agir. Le peuple congolais n’a que trop souffert, dans l’ensemble depuis 45 ans ; et particulièrement depuis ces 15 dernières années de transition déclarée, parsemée de guerres fratricides et de graves troubles chroniques meurtriers. Aussi demandons-nous à tous et à toutes de s’abstenir de tout acte de violence d’où qu’il vienne, du côté des forces de l’ordre comme du côté de la population civile : tueries, vols, effractions et attaques à main armée, affrontements et conflits armés, destruction des biens… Se livrer à tels actes de violence serait déshonorer la mémoire des millions de fils et filles de notre pays déjà tombés et inutilement sacrifiés. Le peuple congolais est engagé dans un processus de réconciliation nationale que tout congolais se doit de promouvoir.
Conclusion
5. La CENCO, qui a toujours tenu à encourager et à appuyer les efforts de tous les hommes de bonne volonté qui oeuvrent pour faire sortir le peuple congolais de l’état de crise qui dure depuis plus de quinze ans aujourd’hui, réitère et réaffirme encore sa volonté permanente d’accompagnement des responsables et du peuple sur la voie de la libération totale, de la démocratie, et de l’accession, dans les meilleurs délais, aux bienfaits du plein développement national.
6. Elle demande à l’Etat de préparer dès maintenant l’année scolaire 2005-2006, en payant les enseignants.
7. Au sujet du Projet de Constitution de la 3e République, la CENCO relèvera, au cours de la prochaine réunion du Comité permanent en juin prochain, les points importants, sur lesquels elle attirera particulièrement l’attention.
8. Malgré et par delà les circonstances préoccupantes actuelles, regardons tous avec confiance et une grande espérance vers l’avenir proche et lointain de notre pays.
9. Nous implorons sur notre pays et son avenir la protection et la bénédiction de Dieu.
Fait à Kinshasa, le 27 mai 2005
L. MONSENGWO PASINYA, Archevêque de Kisangani et Président de la CENCO
(Agence Fides, 28 mai 2005, 107 lignes, 1.283 mots)


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