AFRIQUE/RWANDA - A l’occasion de la clôture de l’Année jubilaire pour les 25 ans des apparitions de Kibeho, célébré par le Cardinal Ivan Dias : le point sur le situation ecclésiale du Rwanda

vendredi, 2 novembre 2007

Kibeho (Agence Fides)- “Nous sommes reconnaissants au Cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, d’avoir présidé la célébration pour la conclusion de l’Année jubilaire à l’occasion des 25 ans des apparitions de la Vierge à Kibeho” dit à l’Agence Fides Son Excellence Mgr Augustin Misago, évêque de Gikongoro, au Rwanda. Le 28 novembre Son Eminence le Cardinal Dias a présidé au Sanctuaire de Kibeho la messe de clôture de l’Année jubilaire ouverte à 25 ans des apparitions de la Vierge à Kibeho (cf Fides 28/11/2007).
« Tous les évêques du Rwanda étaient présents à la messe, ainsi que 300 prêtres venant aussi des pays limitrophes (du Burundi et de la partie orientale de la République Démocratique du Congo) » dit Mgr Misago. « La participation des fidèles a été très grande : environ 35.000 personnes venant de tout le Rwanda, d’autres pays africains et même des Etats-Unis ».
« La messe, qui a duré 5 heures, a été vécue avec intensité : ce fut un vrai moment de grâce pour les participants » affirme l’évêque de Gikongoro.
En ce qui concerne l’Année jubilaire, Mgr Misago souligne qu’« elle a été vécue par tous les rwandais. Chaque mois était consacré à un diocèse ou à un groupe particulier de personnes (jeunes, associations de vie consacrée, associations de familles catholiques, etc…), qui organisaient des pèlerinages qui ont eu beaucoup de succès ».
Les apparitions de Kibeho ont été reconnues officiellement par l’Eglise catholique le 29 juin 2001 après 20 ans d’étude par deux commissions, l’une médicale et l’autre théologique, établies par l’évêque local. Seules les apparitions à trois voyantes ont été déclarées valides : Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka et Marie-Claire Mukangango. La Vierge s’est présentée sous le nom de “Nyina wa Jambo”, qui dans la langue locale dignifie « la Mère du Verbe ».
Dans son message du 8 septembre 2006, l’évêque de Gikongoro, Mgr Augustine Misago, a annoncé que les célébrations pour le 25e anniversaire de la première apparition de Kibeho commenceraient le 28 novembre, fête de Notre-Dame de Kibeho, selon un programme proposé par le comité pastoral du sanctuaire, qui avait été inauguré officiellement le 31 mai 2003 par le Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples de l’époque, le Cardinal Crescenzio Sepe.
« Je suis très content parce que j’ai vu avec quelle foi les personnes qui ont pris part à la procession à la messe suivante » avait déclaré à Fides Mgr Misago, à l’occasion de l’ouverture de l’Année jubilaire. « Tout le collège épiscopal du Rwanda et du Burundi ont participé aux célébrations, ainsi que des milliers de prêtres, de religieux et de religieuses et de laïcs venant non seulement de tout le Rwanda, mais aussi du Burundi, de la République Démocratique du Congo (Kivu), de la Tanzanie et de l’Ouganda. Il y avait même quelques européens qui venaient de Belgique, de Pologne et d’Allemagne ».
Mgr Misago, dans son message, rappelle que « pour célébrer dignement l’année jubilaire nous devons offrir des actes concrets à la lumière du message de Kibeho ». Parmi ceux-ci il y a : « prier selon les intentions du pape pendant l’année ; renforcer la participation à la messe avec la communion eucharistique ; recevoir le sacrement de la Réconciliation ; se réconcilier avec ceux que nous considérons comme des ennemis, demander pardon à ceux que nous avons offensés, et pardonner à ceux qui nous ont offensés ; se respecter les uns les autres, faisant preuve de tolérance réciproque en famille, entre voisins, au travail, dans les réunions et autres circonstances sociales ; travailler avec courage pour la vérité et la justice pour tous, surtout dans les conditions actuelles où la question des tribunaux Gacaca (les cours populaires et traditionnelles en charge de juger les personnes impliquées dans le génocide de 1994), qui doivent être bien gérés pour éviter qu’elles soient transformés en forum d’injustice et de règlement de compte avec la couverture de la loi ; multiplier les actes de charité et de miséricorde, surtout pendant le Carême, en soutenant des associations humanitaires comme la Caritas et autres personnes qui poursuivent des buts semblables ».
Fiche : les apparitions de Kibeho

La Vierge est apparue à Kibeho pour la première fois le 28 novembre 1981 à Alphonsine Mumureke, une étudiante qui à l’époque avait 16 ans. Elle décrit la Madone comme une femme d’une beauté incomparable, d’une couleur de peau mal définie. La jeune fille vit la Vierge alors qu’elle servait à tables ses compagnes au réfectoire du collège. Les témoins de l’épisode entendant la voyante parler en français, en anglais, Kinyarwanda et autres langues inconnues. La Vierge se présente en disant "Ndi Nyina wa Jambo "(« Je suis la Mère du Verbe »).
Le 29 novembre 1981 la Madone apparut de nouveau à Alphonsine. En décembre de cette année le phénomène s’est répété presque tous les samedis. Au début, Alphonsine est l’objet de méfiance et de moqueries de la part de ses compagnes, mais ensuite des personnes extérieures à l’école s’intéressent à son cas. Ainsi, à partir du 16 janvier 1982, les apparitions se succèdent, publiques dans la cour de l’école, et privées, réservées seulement à la voyante et aux élèves, dans le dortoir. La dernière apparition d’Alphonsine est de 1989.
Le 12 janvier 1982 la Vierge apparut à Anathalie Mukamazimpaka, une autre élève qui avait 17 ans. La Vierge lui apparut pour la dernière fois en décembre 1983. Mais l’apparition la plus surprenante est celle du 2 mars 1982. Ce jour-là, en effet, la Madone se manifeste à Marie-Claire Mukangango (21 ans à l’époque), l’une des élèves les plus sceptiques. Ses apparitions durent six mois.
Au cours des visions les trois jeunes filles ont reçu différents messages. Le 15 août 1982, les voyantes assistent à ce qui a été interprété comme la préfiguration du génocide rwandais : la Vierge apparaît en larmes et les jeunes filles voient « un fleuve de sang, des personnes qui s’entretuent, des cadavres abandonnés sans personne pour les ensevelir, un arbre entièrement en feu, un gouffre grand ouvert, un monstre, des têtes décapitées ». Dans d’autres visions, cependant, la Vierge apparaît souriante et invite les hommes à l’aimer comme une mère empressée pour ses enfants (« Il ne faut pas avoir peur de votre maman » dit Marie). Les hommes sont appelés à la conversion, à la prière (surtout la récitation du rosaire), à l’unité et à l’amour envers le prochain. Les voyantes ont aussi vu l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis.
Ces apparitions ont été approuvées par l’évêque de Gikongoro, Son Exc. Mgr Augustin Misago, dans le diocèse où se trouve Kibeho, par une déclaration rendue publique le 29 juin 2001. Quatre autres voyants (un jeune homme et trois jeunes filles) ont déclaré avoir eu des visions de la Sainte Vierge et de Jésus, mais leurs visions n’ont pas été reconnues. Depuis 1982 à Kibeho des pèlerinages, des guérisons et des conversions se sont succédés.
La Vierge m’a enseigné à prier le chapelet des sept douleurs et le chapelet parce qu’elle disait qu’une tragédie se préparait au Rwanda”. C’est ainsi que Nathalie Mukamazimpaka, l’une des trois voyantes de Kibeho, au Rwanda, rappelle l’avertissement que la Vierge adresse lors de ses apparitions.
“La Vierge nous a demandé de changer notre style de vie, d’aimer les sacrements, de faire pénitence, de prier sans cesse en récitant le Chapelet des sept douleurs pour la conversion du coeur de ceux qui se sont éloignés de Dieu, et d’être humbles en demandant pardon et en pardonnant” ajoute Nathalie.
“Le pardon est un élément central du message évangélique” commente à Fides Mgr Augustine Misago, évêque de Gikongoro. “Sans le pardon effectivement on ne peut pas construire une société fondée sur l’Evangile. Au contraire sans le pardon, il ne peut exister une société saine mais seulement une société déchirée”.
Mgr Misago rappelle la stupeur et l’inquiétude généré par le récit des voyants : “Maintenant nous pouvons dire que, il y a eu une prédiction du drame rwandais, mais je rappelle que le 15 août 1982, en la fête de l’Assomption, les voyants au lieu de voir la Vierge pleine de joie, ont été témoins de visions terribles, effrayantes, des flots de sang abondants jaillissaient des cadavres, abandonnés sans sépulture sur les collines. Personne ne savait ce que ces terribles images signifiaient. Maintenant on peut faire une lecture des événements et penser qu’elle pouvait être une vision de ce qui se serait produit au Rwanda mais également dans la région des Grands Lacs où le sang coule au Burundi, en Uganda et en République démocratique du Congo”.
Mais l’évêque de Gikongoro ajoute que le message de la Vierge à Kibeho concerne toute l’humanité. “Il faut une conversion des coeurs pour obtenir une plus grande justice. Nous vivons dans une situation de déséquilibre mondial où les riches continuent à s’enrichir et les pauvres à s’appauvrir. C’est une situation honteuse que chacun devra évaluer selon sa conscience”.

L’Eglise au Rwanda

“Les jeunes sont l’avenir de l’Eglise et du Rwanda. Nous devons miser sur eux si nous voulons guérir les blessures du passé”. Ainsi Mgr Alexis Habiyambere, S.I. évêque de Nyundo et Président de la Conférence épiscopale du Rwanda, décrivait dans une interview à Fides les perspectives de l’Eglise au Rwanda.
“L’Eglise est fortement engagée dans le processus de réconciliation nationale. En particulier la Commission Justice et Paix réalise un rôle très important, de sorte qu’au niveau de la formation, les écoles catholiques réalisent une fonction précieuse pour éduquer les nouvelles générations au respect et à l’amour de l’autre. Les mouvements de la jeunesse catholique réalisent un devoir de rassemblement et de formation des enfants et des jeunes de toutes les ethnies” déclare le Président de la Conférence épiscopale rwandaise.
A propos des perspectives futures de l’Eglise Mgr Habiyambere affirme “L’Eglise rwandaise est une réalité vivante. Les faits de 1994 n’ont pas marqué la fin de la spiritualité de la population locale, comme certains commentateurs l’avaient pronostiqué, mais au contraire elle l’a renforcée. La plupart du clergé et des religieux sont rwandais et nous avons relevé une augmentation des vocations. Nous avons le problème des séminaires pleins qui seraient agrandis non le contraire !” “Dans ce contexte la présence des missionnaires demeure importante dans le cadre sanitaire et éducatif” poursuit l’évêque. “La forte demande de spiritualité des rwandais est également à l’‘origine de la diffusion des sectes, qui présentent un message plus facile à comprendre que le message chrétien et ils s’abaissent souvent également à des compromis sur le plan moral. Mais ceci est un problème qui ne concerne pas seulement le Rwanda mais toute l’Afrique et également de nombreuses autres parties du monde” conclut l’évêque.
Parmi les initiatives de l’Eglise catholique pour favoriser la réconciliation nationale et encourager la paix il y a le projet de paix Apax, conçu et réalisé par Soeur Donata Uwimanimpaye directrice de l’université de Muramba, au Rwanda.
Le projet Apax a été totalement conçu, créé et géré par des personnes rwandaises, et il est né pour répondre aux exigences de la population locale. Le programme est subdivisé en différents microprojets qui vont de la pratique de la non violence évangélique, à la construction d’une usine de bougies et à la préparation à la résolution des conflits.
Promotrice et animatrice du projet, Soeur Donata Uwimanimpaye, est une religieuse rwandaise diplômée à l’Université de Fribourg, en Suisse, où elle se trouvait en 1994 à l’époque du génocide rwandais. La religieuse a présenté un mémoire de maîtrise intitulé “Préparation à la médiation des conflits”. Maintenant la religieuse veut mettre en pratique les enseignements appris à l’université pour encourager la médiation des conflits et de gestion des tensions sociales, à travers un ensemble de techniques développées en Suisse et aux Etats-Unis à partir de 1999.
Le projet Apax implique différents jeunes professeurs qui ont constitué des petits cercles dans tout le pays. Le projet d’éducation chrétienne aux valeurs de la paix est pleinement confirmé par les objectifs de la Commission nationale rwandaise pour l’unité et la réconciliation.
Certaines données sur l’Eglise catholique au Rwanda (source : Annuaire Statistique de l’Eglise 2005). Sur une population de neuf millions d’habitants les catholiques sont 4.249000 répartis sur neuf diocèses avec cent quarante-neuf paroisses. Il y a dix évêques, 445 prêtres diocésains, 126 prêtres religieux, 170 religieux profès et 1.455 religieuses. Les catéchistes sont 4.345. L’Eglise catholique gère 137 écoles maternelles avec 38.648 enfants ; 1.232 écoles primaires avec 892.434 élèves ; 131 écoles secondaires avec 61.351 étudiants, 16 hôpitaux, 87 dispensaires. (Agence Fides 1/12/2007 Lignes : 154 ; Mots : 2114)


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